mercredi 5 novembre 2008

Lakota 3

Des Indiens américains en général
et des Sioux Lakota en particulier
Partie III



UN PEUPLE DETRUIT
1876 - 1890


GUERRE D’EXTERMINATION
L’automne 1876, puis l’hiver qui suit sont pour les Indiens une période de cauchemar, de souffrance et de mort. L’armée a fait venir des renforts de l’Est. Depuis quelques années, l’armée américaine, instruite par des officiers prussiens, a beaucoup progressé en efficacité. Le général Philip Sheridan admire le chancelier Bismark pour ses méthodes énergiques, particulièrement en Alsace-Lorraine. Il faut savoir qu’en 1870, Sheridan était venu suivre en personne certains épisodes de l’invasion de la France par les Prussiens. Ce sont ces méthodes et cette organisation qu’il entend mettre en œuvre contre les Indiens. C’est une armée moderne, nombreuse, bien armée, bien équipée qui se lance à la poursuite d’une population affamée, épuisée, contrainte à une fuite incessante et qui ne combat que pour sa survie.
Début septembre 1876, les Oglala du vieux chef American Horse, ayant fait leurs provisions d’hiver dans les territoires de chasse, se dirigent vers Fort Robinson, l’agence de Red Cloud. Le 9, leur campement installé à Slim Butte, sur le territoire de la réserve, est brusquement attaqué par des éléments de l’armée de Crook sous le commandement du colonel Ansom Mills. Les soldats à court de vivres veulent s’emparer des provisions de viande des Indiens. Les Oglala tentent de se défendre. Le camp indien est dévasté. American Horse réussit à se réfugier dans une grotte avec des femmes et des enfants. Ils sont hachés par la mitraille. Le chef, grièvement blessé au ventre, mourra dans la nuit. Dans la soirée, un groupe de six cents guerriers hunkpapa commandé par Sitting Bull en personne, arrive et accroche violemment les soldats qui ont pourtant reçu des renforts. Les soldats doivent battre en retraite.
Le 21 octobre, Sitting Bull et ceux qui le suivent sont rejoints par les troupes du colonel Nelson Miles sur la rivière Yellowstone au nord du Montana. Le colonel veut parlementer pour convaincre les Indiens de se rendre. Les Hunkpapa refusent toute idée de reddition. Les discussions deviennent vite orageuses et l’entrevue se termine en confrontation. Les Hunkpapa parviennent à s’échapper sous le feu des soldats, mais un groupe de Minnecoujou et de Sans Arc accepte de se rendre.
Le 25 novembre, guidé par des scouts shoshone, le colonel Ranald S. Mackensie attaque un campement cheyenne à Crazy Woman Creek, dans la vallée de la Powder. C’est le village de Dull Knife et de Little Wolf. Les guerriers tentent de contenir les assaillants tandis que femmes et enfants fuient dans la neige. Ils parviennent à se retrancher dans un ravin et à tenir tête aux soldats. Little Wolf attire volontairement sur lui le tir des soldats pour protéger la fuite des femmes et des enfants. Il reçoit sept blessures, mais survivra cependant. Le village est incendié avec tout ce qu’il contient, tous les chevaux sont abattus. Les Cheyenne laissent trente morts dans le ravin. Les survivants qui ont fuit avec seulement leurs vêtements de nuit sont sans couvertures, presque sans armes, presque sans chevaux, sans le moyen de faire du feu. Ils ne survivront qu’en mangeant leurs derniers chevaux. Les petits enfants, les vieillards meurent de froid et d’épuisement. Après un atroce voyage de près de deux semaines, les Cheyenne parviennent au village de Crazy Horse, lui-même en proie à la disette. Les réfugiés sont pourtant nourris, vêtus et aidés dans toute la mesure du possible. Certains Cheyenne, complètement démoralisés, vont faire leur reddition au fort le plus proche.


EXIL AU CANADA
En mars 1877, Sitting Bull et Gall, avec les Hunkpapa et les Sans Arc, décident de passer la frontière et de s’installer au Canada. Ils comptent y rester définitivement afin de pouvoir continuer à vivre librement de la chasse. Ils s’installent dans le sud de la province du Saskatchewan, près de Fort Qu’Appelle.
En octobre, Sitting Bull a une entrevue avec le colonel Nelson Miles qui l’incite à se rendre. Sitting Bull refuse. Il annonce son intention de demander l’asile sur le territoire canadien à la reine Victoria, la « Grand-Mère » comme l’appellent les Indiens, et manifeste même le désir de se rendre en Angleterre pour la rencontrer. Américains et Canadiens qui craignent que la reine, émue par le sort des Indiens et convaincue par le charisme de Sitting Bull, ne prennent des engagements dont ils ne veulent pas, éviteront que cette dangereuse entrevue ait lieu.
Début octobre, ceux de Sitting Bull avaient vu arriver les survivants des Nez Percé de Chef Joseph, pourchassés par l’armée, épuisés et blessés, conduits par le chef White Bird, et qui avaient réussi à franchir la frontière. Sitting Bull exprime son indignation et dit aux Canadiens : « Voyez comment les Américains traitent les Indiens ! ». Ces Nez Percé, une cinquantaine, resteront avec les Lakota.
En novembre, un important groupe d’Oglala, parmi lesquels se trouve la famille de Black Elk, des parents de Crazy Horse, rejoint ceux de Sitting Bull. Ils ont réussi à s’échapper du convoi qui conduit les Oglala vers le Missouri où les Blancs ont décidé de transférer l’agence de Red Cloud. Au printemps 1878, les réfugiés lakota sont environ quatre mille au Canada. Comment nourrir un si grand nombre de personnes ? Les Lakota souffrent du grand froid canadien, d’une nature moins riche que celle de leurs Black Hills bien-aimées.
Naturellement, les tribus canadiennes considèrent avec hostilité ces Lakota nombreux et, il faut le dire, plutôt arrogants, qui viennent chasser sur leurs terres où le gibier se fait rare, en particulier les bisons, systématiquement massacrés de l’autre côté de la frontière. Des incidents éclatent avec les Cree, les Blackfeet Blood. Les Lakota font même des incursions de chasse au Montana.
Sitting Bull entretient cependant de bonnes relations avec un officier canadien, le major Walsh, qui ne cache pas son admiration pour les Lakota et son intention de les aider à demeurer au Canada. Mais en 1879, le major Walsh est remplacé par un officier qui se trouve dans un tout autre état d’esprit. L’armée canadienne qui surveille les Sioux ne se montre pas hostile, mais ne leur apporte aucune aide, se contentant de les regarder s’enfoncer dans la misère et les difficultés, surtout soucieuse qu’ils ne créent pas d’incidents. Au printemps 1879, la plupart des Oglala quittent le Canada pour les Etats-Unis et vont s’installer au sud de la réserve sioux, maintenant amputée des Black Hills, autour de Pine Ridge où vient d’être définitivement installée l’agence de Red Cloud.
Les Etats-Unis commencent à montrer un certain mécontentement à l’égard du Canada qui accueille « leurs Indiens ». Il est convenu que les Canadiens ne les expulseront pas, mais ne feront rien non plus pour les aider à rester et tout pour les convaincre de se rendre. Des émissaires sont envoyés à Sitting Bull : il les éconduit.
Les défections se multiplient durant l’hiver 1880-1881. Les Lakota retournent aux Etats-Unis autant pour échapper à la famine que par nostalgie de leur pays. Gall fait sa reddition en janvier 1881 à Poplar River, au Montana. L’armée tire sur les Indiens qui se rendent, faisant plusieurs blessés. Gall est mis aux fers. Son attitude courageuse et fière, qualifiée de « romaine », fait l’admiration des officiers qui le conduisent au fort.
Dans l’été 1881, Sitting Bull, qui n’a plus avec lui que deux cents personnes affamées et en guenilles dont seulement quarante cinq hommes, finit par se rendre lui aussi. Il est retenu pendant deux ans comme prisonnier de guerre à Fort Randall. Il essaie en vain de négocier pour lui et les siens un territoire sur le petit Missouri où, croit-il, le bison est encore abondant. Mais on lui fait comprendre que le bison a pratiquement disparu et que désormais tout le pays appartient aux Blancs et qu’il doit se contenter de ce que ceux-ci veulent bien laisser aux Indiens. Il doit se soumettre et s’installer sur la réserve de Standing Rock avec les Hunkpapa.


CRAZY HORSE
Durant tout l’automne et l’hiver 1876-1877, Crazy Horse est pourchassé sans relâche. Le 7 janvier 1877, il repousse une attaque conduite par le colonel Nelson Miles à Hanging Woman Creek, dans les Wolf Mountains.
Son peuple souffre de la fin, du froid, du manque d’abri car on doit souvent fuir en abandonnant les tipis. Les Oglala ont très peu de provisions d’hiver et les chasseurs reviennent souvent les mains vides. Les femmes pleurent, les enfants meurent. Selon son habitude, Crazy Horse s’isole souvent dans la nature pour converser avec les Esprits, cherchant désespérément une réponse, une issue au malheur de son peuple. Il doit user de toute sa force de persuasion pour empêcher des familles désespérées de prendre le chemin du fort.
En mars, son oncle Spotted Tail, le frère de sa mère adoptive, se rend à son camp pour lui demander de mettre fin aux souffrances de son peuple, maintenant que tout espoir de résistance a disparu. Spotted Tail fait valoir que les chefs ne pourront plus longtemps résister aux pressions des Blancs qui veulent recruter parmi les Lakota et les Cheyenne des éclaireurs pour guider les soldats contre les rebelles.
Fin avril, Crazy Horse rencontre Red Cloud porteur d’un message du général Crook. Celui-ci promet à Crazy Horse et à ceux qui le suivent une réserve sur la Powder River. Il est probable que Red Cloud croit en la promesse du général et incite Crazy Horse à accepter. C’est une proposition très tentante. Les Oglala ont-ils, de toute façon, un autre choix ?
Le 6 mai, alors que les Plaines reverdissent, Crazy Horse fait sa reddition à Fort Robinson avec ses douze cent Oglala. Epuisés, amaigris, les Indiens entrent pourtant dans le fort en chantant un chant de guerre. « Ce n’est pas une reddition, c’est une parade ! » s’écrie l’un des officiers. Les Oglala s’assoient en silence sur le sol. Les soldats les désarment. La vie s’est arrêtée pour eux. Les Cheyenne de Two Moon s’étaient rendus en mars et ceux de Dull Knife fin avril, dans un état physique qui avait épouvanté le médecin du fort. « Ces gens ont subit une violence incroyable !» s’était-il écrié.

Le 7 mai se déroule un dernier combat entre les troupes du colonel Nelson Miles et deux à trois cents Minnecoujou conduits par le chef Lame Deer auxquels se sont joints des Cheyenne. Les Indiens campent sur Muddy Creek, un affluent de la rivière Rosebud. Le Minnecoujou Hump, qui est éclaireur de l’armée depuis le mois de mars, ainsi que White Bull, un Cheyenne, accompagnent le général Miles, tous les deux soucieux de négocier la reddition de Lame Deer et de ses guerriers dans les meilleures conditions possibles. Mais ils ne peuvent empêcher les soldats d’attaquer brutalement le camp indien, faisant plusieurs morts, dont des femmes et des enfants.
Pour épargner la vie des siens, Lame Deer accepte de se rendre et d’accompagner les soldats au fort. Mais quand il est question de désarmer les Indiens, le neveu de Lame Deer refuse de donner son arme, déclarant fièrement : « Je suis un guerrier et je marche sur ma propre terre ». D’autres jeunes gens l’imitent. Les soldats tentent de les désarmer par la force. Dans la lutte qui s’en suit, Lame Deer et plusieurs guerriers sont tués, dont son courageux neveu. « C’était un homme brave, il est mort son fusil à la main », dira White Bull.

Crazy Horse passe un été étrange, inquiet. Il reste souvent seul, parle peu. Cédant aux pressions du général Crook, il accepte de servir d’éclaireur contre les Nez Percé de Chef Joseph, en fuite à travers le Montana. On peut se demander quelles étaient ses véritables intentions. Certains de ses proches révèleront qu’il voulait au contraire aider les Nez Percé dans leur fuite et reprendre le combat, une fois que lui et ses compagnons auraient retrouvé des armes et des chevaux.
Une cinquantaine de Cheyenne du clan de Two Moon ont été recrutés comme éclaireurs. Ce sont, pour la plupart, des métis, des fils de soldats, que les Indiens considéraient pourtant comme les leurs. Des Lakota ont accepté de s’engager dans la police indienne qui maintient l’ordre sur la réserve. Quand il voit certains de ses anciens compagnons sous l’uniforme bleu, Crazy Horse ne peut cacher sa colère et son chagrin. Il est question de lui faire rencontrer le président Hayes à Washington. Il refuse.
Le 2 septembre, Crazy Horse, qui semble craindre quelque chose, conduit sa femme malade à l’agence de Spotted Tail où, pense-t-il, elle sera en sécurité.
Le 5 septembre, en fin d’après midi, alors qu’il rentre à Fort Robinson, il est convoqué au quartier général pour, lui dit-on, un entretien avec le général Crook. Il y vient sans méfiance. Comme il pénètre dans le bâtiment, on se saisit de lui pour le jeter dans une cellule munie de barreaux où il aperçoit des hommes enchaînés. L’invitation du général était un piège ! Crazy Horse parvient à se dégager et tente de fuir. Un soldat et un policier indien le rattrapent. Un soldat le frappe de deux coups de baïonnette dans les reins. Crazy Horse meurt dans la nuit, veillé par ses parents et ses amis, au milieu de l’affliction générale.
On pense que le gouvernement avait l’intention de déporter Crazy Horse au pénitencier de Dry Tortugas, à l’extrême sud de la Floride, où l’on envoyait les fauteurs de troubles jugés les plus dangereux. Naturellement, la réserve sur la Powder promise par le général Crook à ceux de Crazy Horse ne sera jamais attribuée.


LA FIN
Automne 1877 – Le gouvernement américain entreprend de sévir contre les Lakota de la réserve, en particulier contre les Oglala, comme s’il voulait leur faire payer la longue résistance de ceux de Crazy Horse, de Lame Deer et de leurs alliés cheyenne, et le refus de Sitting Bull de renter aux Etats-Unis. Le général Sheridan décide de considérer comme « hostiles » tous les Oglala de la réserve, même ceux qui y sont depuis des années et n’ont jamais pris part à une guerre contre les Blancs.
On réduit d’abord leurs rations de moitié, puis on leur retire leurs armes qui leur servaient à chasser, qui permettaient aux hommes de nourrir encore un peu leurs familles, de se sentir encore un peu des hommes. Mais y a-t-il encore quelque chose à chasser ? Enfin, on leur retire leurs chevaux, les merveilleux chevaux indiens avec lesquels ils ont chassé et combattu et qu’ils aiment. On les donne, pour les humilier, aux éclaireurs crow et pawnee, leurs ennemis. Le désespoir des hommes est à son comble. Ils se suicident, ils se battent entre eux, ils tentent d’échapper dans la violence et dans l’alcool au malheur absolu qui les accable.
Sans aucune raison apparente que la pure malveillance, on décide d’obliger les Oglala à s’installer sur le Missouri où sera désormais « leur agence ». Red Cloud tente de s’opposer, en vain, à cette déportation. Jugé non fiable, il est destitué de sa position de grand chef qui est donnée à Spotted Tail, le Brûlé. L’idée de déporter les Oglala et les Brûlé sur le Missouri, un endroit plus facile à surveiller, couvait déjà depuis un an. C’était l’une des punitions que le Sheridan voulait infliger aux Lakota après leur victoire à Little Bighorn. Mais, grâce à la souplesse de Spotted Tail, les Brûle sont exemptés de ce déplacement.
En novembre, les Oglala sont conduits en convoi, sous escorte militaire, de Fort Robinson jusqu’au Missouri, sur quatre cents kilomètres. Les femmes ont été autorisées à prendre des chariots pour transporter leurs enfants et leurs bagages. Mais les hommes, depuis les jeunes adolescents jusqu’aux vieillards, y compris Red Cloud lui-même, doivent faire toute la route à pied, à la pointe des baïonnettes, nargués par les éclaireurs pawnee qui caracolent sur leurs propres chevaux. Certains des guerriers de Crazy Horse, jugés dangereux, doivent marcher enchaînés. Quatorze mois plus tard, toujours sans raison, les Oglala sont amenés à Pine Ridge, au sud de la réserve, où ils sont toujours.

En septembre 1878, conduits par Dull Knife et Little Wolf, trois cent Cheyenne déportés en Territoire Indien dans l’été 1877, s’enfuient de la réserve de Darlington pour regagner leurs terres du Montana. C’est l’une des marches vers la liberté parmi les plus héroïques et les plus désespérées de l’Histoire.
Au printemps 1879, après avoir passé l’hiver terrés dans les Black Hills, ceux qui ont suivi Little Wolf rencontrent le Cheyenne Two Moon, maintenant éclaireur, qui ménage à Little Wolf une entrevue avec un officier. Les Cheyenne sont autorisés à s’installer sur la rivière Tongue, au sud-est du Territoire du Montana, à la limite de la réserve des Crow, leurs ennemis, à condition que leurs jeunes hommes s’enrôlent dans l’armée. Heureusement, les combats ont pris fin et les Cheyenne ne sont plus employés qu’à des manœuvres et des corvées militaires.
Hantés par le souvenir de leurs souffrances, de leurs morts et de leur liberté perdue, incapables de supporter leur nouvelle condition, les survivants de la tribu cheyenne s’effondrent littéralement dans l’alcoolisme. Little Wolf lui-même n’y échappe pas. Un jour qu’il était ivre, il se prend de querelle avec un autre Cheyenne et le tue. Il ne se le pardonnera jamais et passera le reste de sa vie à l’écart de la communauté, s’infligeant à lui-même la peine de bannissement que la tradition cheyenne réservait aux meurtriers.

Au début des années 1880, le territoire des Etats-Unis est « pacifié », les Indiens soumis. Seuls, dans les montagnes d’Arizona, les Apache de Geronimo résistent encore, plus pour longtemps. Crazy Horse est mort, Sitting Bull s’est rendu, Red Cloud, vieilli et amère, a perdu tout espoir, Spotted Tail se laisse séduire par la civilisation blanche.
En 1883, il n’y a plus de bisons. Tout d’un coup, il n’y en a plus eu. Il y en avait soixante millions cinquante ans plus tôt. L’idée qu’il n’y ait plus de bisons est tellement invraisemblable que les Indiens ne peuvent y croire. La légende se répand que les derniers bisons se sont cachés dans des grottes et qu’ils en sortiront quand les Blancs seront partis. Les bisons, c’est comme l’eau, le vent, le soleil. Cela fait partie de la Création, c’est une part de Wakan Tanka, le Grand Esprit. L’univers indien s’effondre.


LA RESERVE
Les Lakota sont maintenant des Indiens de réserve.
En 1881, Spotted Tail est assassiné par Crow Dog, un autre Brûlé, soi-disant pour venger l’un de ses parents dont Spotted Tail a séduit la femme. Le bruit avait couru que Spotted Tail avait vendu à son profit des terres du sud de la réserve, ce qui était faux. Son assassinat est certainement en rapport avec cette calomnie. Crow Dog, d’abord condamné à être pendu, avait demandé qu’on lui accorde quelques mois pour mettre ses affaires en ordre et se préparer à mourir, donnant sa parole qu’il reviendrait. Au jour dit, il était présent devant le tribunal, faisant l’admiration de tous pour son courage. Entre temps, son avocat avait soutenu que la justice américaine n’avait aucun pouvoir pour réprimer les crimes entre Indiens. Le tribunal avait du reconnaître la justesse de cette argumentation et Crow Dog avait été libéré.

Le projet de partager les terres indiennes en propriétés privées est présenté sur la réserve sioux dès 1883. C’est une idée chère aux philanthropes qui veulent civiliser l’Indien en développant chez lui l’individualisme et le désir de s’enrichir. Il s’agit évidemment de casser le lien tribal, de détruire totalement la société et la culture indiennes. Le gouvernement se propose de dégager de vastes territoires qui se trouveront « en surplus » quand les lots individuels auront été attribués, afin de les « ouvrir à la civilisation », c’est-à-dire de les vendre aux colons.
Des émissaires du Congrès viennent exposer ce projet aux Lakota et recueillir leur avis. Sitting Bull, invité à s’exprimer devant la commission, refuse même d’envisager un démantèlement des terres indiennes. Il déclare : « Savez-vous qui je suis ? C’est Wakan Tanka qui m’a choisi comme chef des Lakota, comme chef de ce pays », marquant, non sans une certaine maladresse, son orgueil blessé de chef. L’un des commissaires présents, le sénateur Logan, ose lui répondre : « Vous êtes sur une réserve indienne uniquement par tolérance du gouvernement. Vous êtes nourris par le gouvernement, vos enfants sont éduqués aux frais du gouvernement. S’il n’y avait pas le gouvernement, vous seriez en train de mourir de froid et de faim dans la montagne …. » et, exprimant les véritables intentions de la politique des Etats-Unis à l’encontre des Indiens, il ajoute : « Le gouvernement qui nourrit, habille et éduque vos enfants souhaite faire de vous des fermiers, des hommes civilisés, semblables aux hommes blancs ». On ne saurait être plus grossièrement insultant, on ne saurait être plus ignoble. Si les Indiens n’avaient pas été dépossédés de tout ce qui faisait leur vie, aucun ne serait mort de faim et de froid. Les Indiens n’ont jamais demandé aux Blancs de les nourrir et de prendre soin d’eux. Ils y réussissaient fort bien eux-mêmes.

En 1885, Buffalo Bill emmène Sitting Bull dans l’Est pour suivre la première tournée de son « Wild West Show ». Les foules se pressent pour voir le fameux chef sioux. Sitting Bull se fait un peu d’argent en vendant des autographes. Il a appris à écrire son nom qu’il agrémente du dessin d’un petit bison. Dans les rues des grandes villes, au milieu du luxe et de la technique, il remarque les pauvres, les mendiants, ceux qui couchent dehors en plein hiver. Il leur donne l’argent qu’il a. Il dit : « L’homme blanc sait tout faire, mais il y a une chose qu’il ne sait pas faire, c’est partager ». Il est, comme tous les Indiens qui visitent les villes, plus intéressé par les gens, les relations humaines, que par les grandioses réalisations qu’on lui montre pour l’impressionner.

Des hommes qui ont été des chefs, des guerriers courageux, dévoués à leur peuple, se mettent au service des Blancs. C’est John Grass (Peji), c’est Gall lui-même, le compagnon de Sitting Bull, c’est Spotted Tail qu’un voyage à Washington a complètement séduit et qui encourage l’installation de missions et d’écoles autour de l’agence des Brûlé. Il est certain que ces hommes ne peuvent garder un rôle de leader, avoir une position en vue dans la nouvelle société indienne qu’en acceptant de collaborer avec les vainqueurs.
La misère est telle sur les réserves que des hommes acceptent de devenir soldats ou policiers pour nourrir leur famille. Des femmes se prostituent pour avoir à manger. Des maris, des frères, des pères doivent le supporter. Certains en profitent. Des Indiens collaborent par intérêt égoïste, pour s’assurer un pouvoir ou des avantages. D’autres le font avec la conviction sincère que c’est la seule issue possible pour leur peuple.
L’attitude d’un homme comme le père de Luther Standing Bear (Mato Najin) est très révélatrice. Ayant été, avec Crazy Horse, l’un des derniers Oglala à se rendre, il prend conscience de l’inutilité de la résistance. Il dit à son fils que, maintenant, le courage va être de s’adapter. Il maintiendra cette attitude dans les circonstances les plus difficiles et l’enseignera à ses enfants, ce qui n’empêchera pas Luther Standing Bear, dans ses écrits et ses conférences, de dénoncer les crimes des Blancs et de glorifier la culture indienne.
Il n’y a certainement pas un exemple d’un Indien qui ait parlé en mal de sa culture et l’ait jugée inférieure à celle des Blancs. On sent bien que s’ils se sont assimilés à la société dominante, c’est parce qu’ils ont pensé ne plus rien avoir à préserver, qu’aucun autre choix ne leur était offert et que c’était là leur seul moyen de survie.
Sitting Bull envoie ses petits enfants à l’école. Il a construit lui-même une cabane près de Grand River et avec sa famille, il exploite une grande ferme. Pourtant, l’agent James McLaughlin qui le déteste le présente comme « un ennemi déterminé du progrès et le principal obstacle sur la route de la civilisation » parce qu’il a gardé le respect de son peuple.
Résister, c’est se vouer à l’obscurité, à la clandestinité, s’exposer à des représailles. Des hommes médecine sont assassinés. Le chef Big Foot des Minnecoujou, les familles He Crow, Little Thunder, Two Strike, Crow Dog des Brûlé, pour n’en citer que quelques unes, ont choisi la résistance. Ils font ce qu’ils peuvent pour contrecarrer l’assimilation à la culture blanche que veulent leur imposer les agents. Malgré la loi sur les Offenses indiennes de 1883 qui interdit aux Indiens toute pratique religieuse ou culturelle, des rituels sont tenus en secret, des objets cérémoniels sont soigneusement gardés et préservés. Mais beaucoup de pipes, de sacs médecine, de « winter counts » ont été détruits, brûlés ou volés lors des attaques des villages. La mémoire s’efface. Les familles Black Elk, Bull Bear, Fools Crow, He Dog, Red Shirt, Jumping Bull, Moves Camp et bien d’autres, s’efforcent aussi de maintenir la mémoire parmi les Oglala, la tribu où l’on comptera le plus de « traditionalistes » comme on les appellera plus tard.
Mais ce combat paraît perdu d’avance. Toute tentative pour échapper à un destin inéluctable est vaine et même suicidaire. Quel espoir ces Indiens peuvent-ils encore garder ?


DEPECER LA TERRE INDIENNE
En 1889, le gouvernement accentue la pression sur les Lakota pour leur faire accepter le partage de ce qui restait de la Grande Réserve Sioux conformément aux dispositions de la loi de Lotissement général des Terres indiennes adoptée par le Congrès en février 1887 et connue sous le nom de « loi Dawes ».
Les Lakota comprennent bien que cette loi leur retire plus de la moitié de leurs terres et brise leurs liens tribaux. Pour les décider, les commissaires leur disent que s’ils ne signent pas, ils risquent de tout perdre. Puis ils agitent la menace d’une déportation en Territoire indien, une perspective effrayante pour les Lakota qui n’ont pas oublié la terrible expérience que leurs amis cheyenne ont connue onze ans plus tôt. Les commissaires entreprennent de convaincre chaque homme individuellement, s’efforçant de lui faire apparaître les avantages personnels qu’il pourra tirer de la nouvelle loi.
Malgré la ferme opposition de Red Cloud, plus de la moitié des Oglala accepte de signer. Sitting Bull ne peut empêcher les signatures des Hunkpapa, des Sans Arc. Gall et John Grass, d’abord opposants, ont été convaincus de signer. Après des mois d’efforts, de promesses fallacieuses et de menaces, la commission obtient d’extrême justesse le nombre requis de signatures pour rendre légal le vol des terres lakota. Beaucoup d’hommes indiens se sont résignés. Ils savent bien que, de toute façon, les Blancs s’empareront de leur pays s’ils le veulent.
A la fin de 1889, les Etats du Dakota du Nord et du Dakota du Sud sont créés. La Grande Réserve Sioux, du moins ce qu’il en reste après l’annexion des Black Hills, est divisée en « six petits îlots au milieu d’un océan de Blancs avides », comme le dira Black Elk quarante ans plus tard. Il s’agit des réserves actuelles : Pine Ridge au sud, où vivent les Oglala, Rosebud à l’est, la réserve des Brûlé, Standing Rock au nord, celle des Hunkpapa, Cheyenne River au centre, où se sont installés les Minnecoujou, les Sans Arc, les Two Kettle et les Blackfeet Sioux. Le long du Missouri, les Lower Brûlé occupent une petite réserve, tandis que celle de Crow Creek abrite les descendants des Santee déportés en 1863 après la guerre de Little Crow, alliés à des Lakota.
Des arpenteurs, puis des agronomes sont venus. Ils ont mis de côté les meilleurs pâturages pour les Blancs, laissant aux Lakota les plus mauvaises terres agricoles. Il faut remarquer que les réserves lakota ont été délimitées globalement, sans que les lots individuels des familles indiennes aient été définis, ce qui n’aura lieu que beaucoup plus tard. Cela montre à quel point le gouvernement avait hâte de réduire les terres lakota et de les ouvrir à la colonisation. L’important était de convaincre les Lakota de signer leur dépossession. Seulement, dès les signatures obtenues, le gouvernement décide, malgré les promesses faites, de réduire sensiblement les rations, comme si les Indiens étaient devenus, comme par magie, autosuffisants.
Les années 1888, 1889 et 1890 connaissent des sécheresses catastrophiques. Les insectes ont dévoré les récoltes, des tempêtes de poussière ont emporté les champ d’où les Indiens ont censés tirer leur subsistance. La disette, puis la famine réapparaissent. Les Blancs accusent les Indiens de paresse et certains pensent que ces épreuves leur sont salutaires pour leur apprendre l’humilité et la dureté du travail, pour leur faire pleinement comprendre ce que signifie « gagner son pain à la sueur de son front ».
Il faudra attendre le milieu du XXème siècle pour que l’on admette que la mise en culture des Plaines a été une catastrophe écologique. Le sol, mis à nu par les labourages profonds, se fend et perd son humidité, le vent le soulève en poussière, les cours d’eau se tarissent, la terre trop sollicitée perd rapidement sa fertilité et exige, pour continuer à produire, des arrosages constants pris sur les nappes phréatiques et de plus en plus d’engrais et de pesticides qui polluent les eaux.
Les Indiens comprennent bien ce qui se passe. Avec le labourage, on a arraché l’herbe et toute la végétation qui nourrissaient les bisons et tous les « quatre jambes », les baies et les racines dont se nourrissaient les êtres humains. On a déchiré la robe d’Ina Maka, la Terre Mère, on a creusé son corps. La terre se meurt, elle ne peut plus nourrir ses enfants. Une atmosphère de fin du monde règne sur les réserves des Plaines en ces années 1889, 1890.


LA DANSE DES ESPRITS
Dans ce malheur absolu, une lueur d’espoir apparaît.
Là-bas, dans les montagnes de l’Ouest, durant l’été 1889, un Indien issu d’une obscure tribu, un Piaute, enseigne une cérémonie qui doit ramener les bisons dans les plaines, les morts à la vie et restaurer l’ancienne manière de vivre.
Quand les Lakota en entendent parler, des Shoshone, des Arapaho installés dans l’Ouest dansent déjà la Danse des Esprits. A l’automne 1889, les Lakota envoient deux émissaires, Short Bull et Kicking Bear, pour rencontrer Wovoka, le prophète paiute, et prendre contact avec ceux qui pratiquent déjà la cérémonie. Ils quittent la réserve secrètement, chevauchant de nuit. Wovoka leur fait « voir » leurs parents ressuscités et la nouvelle terre débarrassée des Blancs. Il leur enseigne la danse et les chants qu’ils devront apprendre à leur peuple.
Tous les Lakota qui ont gardé la nostalgie de leur vie ancienne et refusent l’assimilation à la culture blanche sont passionnés par ces nouvelles et reprennent espoir. Pourquoi le cauchemar que vit le peuple lakota depuis une vingtaine années ne prendrait-il pas fin ? La danse, les chants, les promesses qu’ils apportent se passent de bouche à oreille à l’insu des Blancs des agences et des Indiens soumis. Parmi les tribus des Plaines, seuls les Crow et les Pawnee, qui ont pourtant vu leurs terres réduites comme celles des autres, n’osent y participer. Peut-être pensent-ils avoir quelque chose à redouter si le miracle annoncé par Wovoka se produit. Des clans apaches dansent aussi, mais pas les Navajo qui ont peur de voir revenir les morts.

Quelles sont donc les nouvelles qu’annonce la prophétie ? Que faut-il faire pour que le miracle se produise ?
Wovoka annonce le retour des morts victimes des Blancs : guerriers tués au combat, gens massacrés dans les villages, enfants morts de maladies apportées par les colons. Tous ces morts reviendront, jeunes et en bonne santé, avec la nouvelle terre. Les Blancs, avec leurs mensonges, leurs animaux puants, toutes les mauvaises choses qu’ils ont apportées, auront été éliminés. Le mode d’élimination varie. Certains parlent d’un énorme raz-de-marée dont les Indiens devront se protéger en montant sur une montagne. D’autres pensent que la « vieille terre », celle qui porte les Blancs, va s’enrouler comme un tapis, laissant place à une terre jeune, renouvelée, où reviennent les bisons, les élans, les eaux fraîches, l’herbe verte, les arbres bruissants, les campements d’Indiens heureux. L’accent est mis sur l’idée de purification, de renaissance. Les Indiens ne se laissent pas arrêter par les difficultés, les invraisemblances de la prophétie. Ils y croient parce qu’ils ont un dramatique et urgent besoin d’y croire. Pourquoi ce retour miraculeux à la vie traditionnelle serait-il plus invraisemblable que le malheur qui les accable et que personne, il y a seulement vingt ans, n’aurait pu imaginer ?
La prophétie de Wovoka est d’autant plus séduisante qu’elle semble facile à atteindre. Il suffit au peuple de danser en chantant des chants sacrés et de croire. Le miracle viendra de lui-même, sans violence, avec le printemps 1891, « quand l’herbe reverdira ».
Certains doutes subsistant encore, les Lakota envoient auprès du prophète, au printemps 1890, une seconde délégation plus nombreuse. Les Indiens, qui ont prétexté la nécessité de rendre visite à des parents dans l’Ouest, ont reçu de leur agent une autorisation de sortie de la réserve. Ils feront même une partie du chemin en train. Ils reviennent, confirmant les dires de Kicking Bear et Short Bull. Plusieurs d’entre eux ont eu la vision du retour des morts, de la terre renouvelée. Des lettres sont échangées entre les tribus et avec Wovoka, écrites et lues par des jeunes Indiens « éduqués », de bons élèves des écoles religieuses considérés pourtant comme acquis à la civilisation. Un facteur intrigué par ces courriers en avait intercepté quelques uns et les avait montrés à l’agent. C’est ainsi que les Blancs avaient appris qu’il se tramait quelque chose.
La danse est facile. Les gens tournent simplement en cercle en se tenant par la main. Hommes et femmes y participent, parfois les enfants. Chacun plante une plume dans ses cheveux, même les femmes, afin que le Père reconnaisse facilement ceux qui croient en lui et les sauve au moment du grand miracle. Les gens utilisent aussi une certaine peinture blanche que Wovoka leur a donnée, le blanc qui signifie la paix et la sincérité du cœur.
Au début, ils chantent ce que Wovoka leur a enseigné. Mais bientôt, ils inventent eux-mêmes des chants. Chacun peut venir au milieu du cercle et chanter. Les chants qui plaisent sont repris les jours suivants et beaucoup ont été conservés. C’était une tradition : aussi bien lors d’importants événements que pour ponctuer leur vie quotidienne, les Indiens inventaient constamment des chants. Ces chants de la Danse de Esprits, ce sont les récits d’une vision, d’une expérience spirituelle, le désir de revoir un frère, une sœur, un enfant mort, de pathétiques supplications au Père, Ate. L’expression qui revient le plus souvent pour toutes les tribus, c’est « Nous allons vivre à nouveau ! » et « Vous vivrez ! dit le Père ».
Qui est ce Père ? Au début, Wovoka, qui a reçu une éducation chrétienne, mais ressent profondément le malheur de son peuple, fait clairement référence à Jésus qui, dit-il, a pris en pitié ses enfants indiens et a décidé de leur venir en aide. Plus tard, Wovoka va déclarer être lui-même le Messie. Il semble dépassé par ce qu’il a mis en œuvre. Mais cela n’a plus d’importance. Le mouvement est lancé, l’étincelle a jailli qui va allumer à travers les Plaines le feu de l’espérance.
En passant de tribu en tribu, la référence chrétienne s’affaiblit. On prie le Grand Esprit, le Grand Mystère, l’entité suprême commune à toutes les tribus. Dans presque tous les chants il est nommé le Père, mais certains chants lakota disent Tunkasila (le grand père) qui est la désignation cérémonielle de Wakan Tanka, le Grand Esprit.
Au printemps 1890, le mouvement est encore presque confidentiel chez les Lakota. Seuls dansent les opposants anciens et déterminés. Dans l’été, le mouvement s’amplifie. A l’automne, la moitié des Lakota danse, surtout les Oglala. Seuls y résistent ceux qui vivent près des agences, qui se sont déjà fortement engagés avec les Blancs et qui ont tout à craindre d’un retour à la vie ancienne. Contrairement à ce qu’ont affirmé les prêtres, quelques baptisés se joignent au mouvement. Red Cloud et les siens n’y participent pas, mais ne se prononcent pas contre non plus. Les Danseurs des Esprits de la réserve de Rosebud vont sur Pine Ridge se joindre aux danseurs oglala.
Durant les premiers mois, les Indiens dansent quatre jours et quatre nuits à chaque lune, comme l’a recommandé Wovoka. A l’automne 1890, ils dansent presque sans discontinuer, comme s’ils voulaient hâter leur délivrance. L’émotion, l’extrême fatigue, la faim omniprésente sur les réserves, provoquent de nombreux évanouissements, surtout chez les femmes. Les gens se mettent à trembler et s’écroulent sur place. Quand ils reviennent à eux, ils racontent avoir rencontré dans le monde des Esprits un enfants mort, un mari disparu. Des hommes ont vu revenir les bisons, ils ont chassé avec leurs compagnons, comme autrefois. Toutes les ardentes espérances d’un peuple à l’agonie s’expriment à travers ces visions.
Ils dansent avec une exaltation, une sorte de fureur mystique qui commence à inquiéter sérieusement les autorités. Au début, les Blancs ont traité ces cérémonies de superstitions ridicules. Maintenant, ils ont compris une chose : la Danse des Esprits est dirigée contre eux, elle appelle leur élimination.
Aussitôt, les Blancs raisonnent en termes de peur et de violence. Pourtant, il n’en est rien. Wovoka a dès le début posé une condition à la réalisation de sa prophétie : pas de violence, et il n’a jamais varié. Aucun des propagateurs de la Danse n’y a jamais fait appel. A quoi servirait-elle, de toute façon, puisque le retour des tribus à la vie doit s’accomplir de manière miraculeuse.
Les Indiens se posent de nombreuses questions. Quand le miracle se produira, que vont devenir les métis, les Blancs amis ? Les Indiens avertissent les Blancs qu’ils aiment et les invitent à danser avec eux. Certains l’ont fait.


PROVOCATIONS
Bien avant que ce qui subsistait de la Grande Réserve Sioux après l’annexion des Black Hills n’ait été réduit en 1889 à six petites réserves, des éleveurs de bovins avaient investi la zone de bons pâturages qui s’étend entre les Black Hills et la Cheyenne River, la Belle Rivière des Lakota. La loi Dawes sur le lotissement des terres indiennes, à l’origine du démantèlement de la Grande Réserve, destinait ce territoire dit « en surplus » à être ouvert à la civilisation, c’est-à-dire à l’installation de pionniers petits agriculteurs.
On comprendra que cette perspective ne réjouissait guère les riches et puissants éleveurs qui occupaient ce pays « vide » depuis que les tribus avaient été concentrées par la force autour des agences au printemps 1877. Ils mirent donc tout en œuvre pour susciter des troubles qui, ils l’espéraient, conduiraient les Indiens à une révolte générale dont ils ne pourraient sortir qu’affaiblis, voire anéantis. On pouvait alors escompter une nouvelle et importante réduction des terres indiennes qui, si elles étaient impropres à l’agriculture, convenaient bien à l’élevage. Une guerre indienne impliquant les Sioux tant redoutés ne pourrait que provoquer la crainte chez les fermiers candidats à l’installation et retarder, au moins un temps, leur venue.
Il faut comprendre aussi avec quel plaisir ces tueurs d’Indiens, mal (ou pas du tout) repentis, voyaient revenir le bon temps de la chasse à l’Indien, un plaisir dont ils étaient frustrés depuis une bonne douzaine d’années, encore que les exactions de toutes sortes n’aient jamais complètement cessé contre les Indiens des réserves. Les éleveurs recrutèrent donc facilement quelques centaines de cow-boys, des hommes de main attirés autant par le « sport » que par la paye, afin de provoquer les Indiens et de terroriser les fermiers.
Le « Rapid City Journal » du 5 décembre 1890 signalait sous le titre « Rapid City s’organise » que le colonel Merritt E. Day, un puissant éleveur ami du gouverneur de l’Etat Arthur C. Mellette, avait, début novembre, réclamé au gouvernement la livraison de plusieurs centaines de fusils et des munitions afin de protéger les établissements blancs contre la menace imminente d’une insurrection indienne sur Pine Ridge. Comment le colonel Day et le gouverneur Mellette pouvaient-ils être certains au début de novembre qu’une insurrection indienne était « imminente », sinon en la suscitant ?
L’implication des éleveurs dans les troubles qui allaient suivre nous est révélée par les confessions de certains de ces cow-boys recueillies cinquante ou soixante ans plus tard. L’un d’eux, Robert Davis, donnait en 1952 une interview au « Rapid City Journal » dans le cadre d’une enquête sur les événements qui avaient précédé le drame de Wounded Knee. L’article dit : « Robert Davis, un vieux cow-boy, nous déclare : « Les gros éleveurs de bétail ont été à blâmer dans l’affaire des troubles indiens de 1890 ». Davis rappelle que les éleveurs étaient très irrités par le nombre croissant de colons qui venaient labourer leurs pâturages. Il dit que « les éleveurs ont essayé d’effrayer les colons et de les forcer à partir » (en poussant les Indiens à la révolte).


TUEZ LES INDIENS « DISCRETEMENT »
Dès le début de novembre 1890, le colonel Day et son ami le gouverneur Mellette mettent sur pied la « Home Guard », une milice composée de deux compagnies de cinquante hommes chacune, l’une sous le commandement du capitaine George Cosgrove, l’autre commandée par le capitaine J.B. McCloud.
Il ne s’agit plus de simples bandes de cow-boys recrutées par les éleveurs, mais d’une troupe officiellement reconnue et armée par le gouvernement, des auxiliaires militaires prétendument chargés de défendre les citoyens contre des Indiens qui n’avaient pourtant menacé personne. Dès que cette troupe de cent hommes aguerris et bien armés, comptant un certain nombre de tireurs d’élite, est opérationnelle, elle reçoit du gouverneur Mellette le feu vert pour commencer ses exactions contre les Indiens, en particulier les Danseurs des Esprits.
Vers le 10 décembre, le gouverneur envoie au colonel Day la note suivante : « J’ai été heureux de recevoir votre message signalant qu’à l’occasion d’une escarmouche, trois Indiens avaient été tués par « nos hommes », sans pertes du côté des Blancs. Soyez discret en tuant les Indiens ». Tout au long du mois de décembre, les attaques continuent. Les actions de la « Home Guard » visent des Indiens isolés, de petits campements, des familles indiennes, des proies faciles, l’important étant que cela se fasse sans pertes chez les Blancs et de manière discrète. Certains citoyens auraient pu ne pas apprécier les tentatives délibérées de la milice de provoquer une révolte indienne. Mais le sang-froid des chefs et des guerriers indiens qui comprennent parfaitement ce qui se passe réussit à empêcher les jeunes hommes lakota de riposter.
Comme les provocations ne donnent pas les résultats escomptés, le colonel Day décide de frapper un grand coup en s’attaquant directement, le 16 décembre, à un important campement de Danseurs de Esprits retranchés dans les Badlands, entre Cuny Table – souvent appelé le Stronghold – et Goat Ridge, près de Heutmacher Table.
En 1959, alors âgé de quatre vingt dix ans, Pete Lemley, dit « le Renard des Badlands », l’un des jeunes miliciens qui avait participé à l’attaque du 16 décembre, enregistrait ses souvenirs : « Nous étions toute une troupe. Nous avons traversé la rivière Cheyenne et nous les avons provoqués, et beaucoup de nos copains se tenaient en embuscade à l’entrée d’un ravin. Nous, les garçons, nous sommes allés vers le Stronghold et nous les avons attirés derrière nous, et ils nous ont poursuivis jusque vers Corral Draw. Riley Miller était posté à l’entrée, couché derrière les arbres et les rochers. Ce Riley Miller ne manquait jamais son coup. Francis Roush, Roy Coates, George Cosgrove, Paul McClellan étaient avec nous. Nous en avons tué environ soixante-quinze. Riley Miller et Franck Lockhead y sont retournés après avec des chevaux de bât et ils ont rapporté sept charges d’armes, de vêtements, de coiffures de guerre, de « chemises des Esprits » et de toutes sortes de choses. Riley a emporté tout cela à Chicago et il a ouvert un musée. Il en a tiré beaucoup d’argent ».
L’interview raconte ensuite que, pendant que l’embuscade se déroulait, le colonel Day, avec une autre équipe de bons tireurs, attaquait directement le camp indien où les femmes et les enfants étaient restés sans protection. Il est probable que le chiffre de soixante quinze Indiens abattus ne concerne que les hommes tués dans l’embuscade. Le nombre de femmes et d’enfants tués dans le camp doit donc y être ajouté. Quand on sait qu’à cette époque, après des années de résistance, le nombre d’hommes était de trois à quatre fois inférieur à celui des femmes, il est vraisemblable que l’attaque du 16 décembre contre les Danseurs des Esprits des Badlands a fait près de deux cents morts, même si des femmes et des enfants ont réussi à se cacher ou à fuir.

L’armée régulière elle-même, ou plutôt certains de ses éléments particulièrement avides de « casser de l’Indien », ne restait pas inactive en ce mois de décembre 1890. Les souvenirs d’Ed Lemmon, un civil témoin des agissements de l’armée, révèlent certains faits peu connus.
Au début de décembre 1890, les troupes étaient, selon les ordres du général Nelson Miles, stationnées autour de la réserve de Pine Ridge. Le major Wells avait pourtant donné au lieutenant Byron l’autorisation d’aller observer de près le Stronghold où s’étaient retranchés les Danseurs des Esprits. Vers le 12 décembre, Byron s’y était rendu avec des éléments du 8ème de cavalerie et accompagné de quelques civils dont le célèbre peintre Frédéric Remington qui déclara à son retour avoir trouvé les Badlands « pleines de Sioux sauvages ».
Un témoin raconte : « Un jour (probablement le 14 ou le 15 décembre) le lieutenant Byron demanda au major Wells l’autorisation de pousser une reconnaissance avec une douzaine d’hommes. Avec Gus Haaser comme guide, ils atteignirent l’extrémité ouest de Cuny Table, le Stronghold. Byron voulait voir s’il pouvait placer un canon à portée du village indien, là où il y a un endroit plat. Sur le chemin du retour, ils rencontrèrent une petite bande d’Indiens. Byron et ses hommes leur coupèrent intentionnellement la retraite vers leur village et ils les tuèrent tous. Si cela avait été connu, cela lui aurait valu le conseil de guerre (pour avoir attaqué sans en avoir reçu l’ordre). Aussi, cela fut tenu secret ».
Le lieutenant Byron fit enterrer les corps et les armes de ses victimes et fit jurer le secret à ses hommes, puis en rentrant au camp tard dans la nuit, il déclara : « Nous sommes allés au Stronghold. Ils sont tous partis ».

Mais suivons un peu l’affaire du musée ouvert par le fameux Riley Miller, le héros de la « Home Guard ».
Ce brillant personnage présenta sa collection d’objets indiens, comprenant des scalps, à l’Exposition Universelle en l’honneur de Christophe Colomb qui s’était tenue à Chicago au printemps 1893. Il entra ainsi en relation avec un certain Omaha Charlie, autre « collectionneur » avec qui il ouvrit un musée de cinq cents pièces de « reliques indiennes ». La principale attraction de leur exposition était un bébé indien desséché, montré dans une boîte en verre. La publicité disait : « Un papoose indien momifié, la plus grande curiosité jamais exposée ». Des foules avides se pressaient pour contempler la « curiosité ».
Riley Miller vendit à Omaha Charlie ses reliques provenant de l’attaque du 16 décembre et partit chercher de l’or au Klondike. A partir de 1906, la collection Riley Miller fut exposée à la Société d’Histoire du Nebraska qui en fit l’acquisition en 1935. En 1992, plusieurs objets de la collection Miller étaient exposés au Musée d’Histoire du Nebraska.
Tout un chapitre serait à écrire sur la manière dont certains musées ont acquis leurs collections indiennes, sur les objets dérobés lors des attaques de villages et des différents massacres, volés dans les sépultures, sans parler de ces squelettes et de ces crânes recueillis à des fins scientifiques, afin de démontrer l’infériorité raciale des Indiens, des têtes coupées des plus célèbres chefs momifiées ou conservées dans le formol et montrées comme attractions de foire.


UN « BON INDIEN »
Le 14 décembre, deux jeunes Oglala se présentent à M.D. Cole Ranch, dont le propriétaire tient un trading post. Les Indiens ont l’habitude de s’y rendre pour faire du commerce.
Comme les deux jeunes gens pénètrent dans la cour …. Mais écoutons le journal « Hermosa Pilot » qui, sous le titre « Un vraiment bon Indien », nous raconte : « Un rapport qui semble fiable nous apprend que, dans la soirée du dimanche 15 décembre, deux Indiens s’apprêtaient à entrer chez un rancher nommé Cole, à l’embouchure de Spring Creek, quand ce gentleman ( !) ouvrit le feu et fit mordre la poussière à l’un des Rouges. …. L’Indien mort … peut être vu par tous ceux qui sont curieux de voir à quoi ressemble un vraiment bon Indien ». On comprendra aisément que ce morceau d’humour fait allusion au fameux « mot » du général Sheridan résumé par : « Le seul bon Indien est un Indien mort ».
Le « bon Indien » s’appelait Dead Arm - une blessure lui avait paralysé un bras. C’était un Oglala, un neveu de Kicking Bear, le leader de la Danse des Esprits. Il avait été baptisé dans l’église épiscopalienne et était estimé de tous. Le mort fut abandonné plusieurs jours au milieu de la cour et les cow-boys s’amusaient à tirer des coups de pistolet sur le cadavre. Un habitant très honorable de Rapid City nommé John Brennan vint prendre le scalp qu’il céda ensuite, selon le « Rapid City Journal », à l’un de ses amis Tom Sweeney, collectionneur d’objets indiens, qui possédait un magasin à Rapid City.
Le clan familial de Kicking Bear se tenait sur une colline qui dominait le ranch Cole, se lamentant et chantant pour leur parent assassiné. Les cow-boys et les colons accourus en foule pour voir le « bon Indien » se moquaient de la famille en deuil, poussant des cris de dérision. Les détails de cette scène révoltante nous sont connus par la presse de Rapid City, ainsi que par une étude historique sur le Dakota du Sud publiée en 1915 et qui donne une biographie de John Brennan, le scalpeur. On apprend qu’il était arrivé dans les Black Hills en 1875, qu’il avait été l’un des fondateurs de la ville de Rapid City dont il fut maire à plusieurs reprises, qu’il était un fervent catholique et qu’il était devenu superintendant de la réserve de Pine Ridge en novembre 1900. Un honorable citoyen.


LA MORT DE SITTING BULL
Sur la réserve de Standing Rock, l’agent James McLaughlin fait courir le bruit que le bruit que le chef hunkpapa est l’un des principaux instigateurs de la Danse des Esprits.
Il n’en est rien. Sitting Bull a toujours manifesté des doutes à propos de la Danse des Esprits. Pourtant, quand l’agent lui demande de se prononcer contre, il répond : « Agent McLaughlin, laisse mon peuple danser ! ». Sitting Bull ne peut évidemment de désintéresser de ce puissant mouvement messianique qui met en cause l’avenir de son peuple. Cédant aux pressions de plusieurs de ses amis, il demande, en octobre 1890, à Kicking Bear de venir sur Standing Rock expliquer aux Hunkpapa le message de Wovoka. L’agent, averti, fait aussitôt expulser Kicking Bear par la police indienne.
Début décembre, McLaughlin demande l’arrestation de Sitting Bull. L’autorisation arrive vers le 10 décembre. Il est d’abord question que Buffalo Bill opère lui-même une arrestation en douceur de son vieil ami. Mais McLaughlin fait tout ce qu’il peut pour que le célèbre éclaireur soit déchargé de sa mission.
A l’aube du 15 décembre, l’agent envoie un fort contingent de la police indienne pour s’emparer du chef hunkpapa. Bull Head et Red Tomahawk, deux ennemis personnels de Sitting Bull, astucieusement recrutés par McLaughlin, commandent le détachement. Ils investissent la petite cabane de rondins construite près de Grand River où vit Sitting Bull avec ses deux épouses et Crow Foot, son fils bien-aimé.
Sitting Bull accepte de les suivre. Tandis qu’il se prépare, ses femmes commencent à crier, incitant leur époux à résister, insultant les policiers. Puis elles se jettent sur eux, l’une armée d’un couteau, l’autre d’un gourdin. Les policiers indiens réussissent à les maîtriser et à les enfermer dans la seconde pièce. Les chiens, nombreux, se mettent de la partie.
Le bruit a ameuté le voisinage où vivent des parents et des partisans de Sitting Bull, tous Danseurs des Esprits. Ils s’attroupent, menaçants. Sitting Bull, se sentant soutenu, refuse alors de suivre les policiers et commence à résister. Dans le combat qui s’en suit, Sitting Bull est tué, ainsi que plusieurs policiers et Indiens rebelles. Les policiers assassinent Crow Foot qui s’était caché dans la cabane sous des couvertures et les avait suppliés de l’épargner, un meurtre gratuit, révoltant. Il avait dix-sept ans. Puis ils abattent les chevaux et le bétail qui appartenaient à Sitting Bull. Il paraît qu’ils étaient ivres. Ils avaient accepté de s’enivrer pour pouvoir faire ce qu’ils avaient à faire et que leur conscience réprouvait. Bien que la plupart aient été convertis au christianisme, ils avaient accompli dans les jours suivants une cérémonie traditionnelle de purification. On peut supposer que la mort de Sitting Bull, et peut être celle de son fils, avait été décidée, ou du moins envisagée, par l’agent McLaughlin.

L’agent Royer, un incapable doublé d’un lâche, est, si l’on peut dire, en charge de la réserve de Pine Ridge. Les Lakota se moquent de lui. Ils l’appellent Koskala Lakota Kokipa, Jeune Homme Qui A Peur Des Lakota. Dès le début de décembre, Royer envoie à l’administration des messages alarmistes faisant croire à un soulèvement indien général et imminent. Il va jusqu’à parcourir la petite ville de Rushville, voisine de la réserve, en criant : « Aux armes ! Guerre indienne ! » afin d’inciter les hommes à rejoindre les milices qui traquent déjà les Danseurs des Esprits.
Les agents des réserves lakota demandent des renforts. L’armée arrive. Trois mille soldats envahissent Pine Ridge. Les Danseurs des Esprits, dont le nombre augmente sans cesse, vont poursuivre leurs cérémonies dans les lieux secrets des Badlands. Ils s’efforcent de se faire oublier, de vivre le plus loin possible des Blancs. Des villages entiers se vident, les écoles sont désertées, les travaux agricoles suspendus, le bétail abandonné ou abattu. La ferveur religieuse redouble. Face aux périls qui montent de jour en jour, les Lakota n’ont plus qu’une issue : que le miracle promis par Wovoka s’accomplisse, vite ….


CHEMISES DES ESPRITS
Parmi tous les Indiens impliqués dans la Danse des Esprits, seuls les Lakota se sont donnés une garantie supplémentaire : des chemises (ou des robes) réputées à l’épreuve des balles et que l’on a pris l’habitude d’appeler « chemises des Esprits ».
C’est une précaution, une assurance qu’on se donne, comme les paquets médecine que portaient les guerriers. Black Elk lui-même, qui n’avait rien d’un être assoiffé de sang, a participé à l’élaboration de ces chemises dans l’été 1890.
On a dit : « Pourquoi vouloir se rendre « à l’épreuve des balles » si l’on n’a pas l’intention de combattre ? » Les meilleurs historiens ont alors parlé du « caractère agressif » qu’aurait pris à ce moment la Danse des Esprits. Il ne faudrait pas confondre défense et attaque et faire des victimes les agresseurs. Que les Blancs, en 1890, l’aient interprété ainsi, il ne faut pas s’en étonner. Mais il faudrait à notre époque nous mettre un peu à la place des Lakota. Etaient-ils assez naïfs pour croire que les Blancs, qui avaient déjà donné tant de preuves de leur puissance et de leur détermination, allaient tout tranquillement se laisser « rouler », ou noyer, sans réagir ? La violence que leur faisaient subir les éleveurs, les cow-boys et autres milices en cet automne 1890, et le simple bon sens, leurs disaient qu’il y aurait un moment où le peuple serait en danger, où il y aurait à combattre. Il a aussi été reproché aux Danseurs des Esprits d’aller aux cérémonies avec des fusils. Il est vrai qu’ils postaient souvent des gardes armés. Les policiers indiens chargés de repérer les rassemblements et de les surveiller étaient souvent bienveillants, mais tous ne l’étaient pas. Des miliciens, des soldats pouvaient surgir à tout moment. Il ne faut pas cautionner l’hystérie anti-indienne qui avait saisi l’Ouest et une partie de la nation durant ce début d’hiver 1890 quand, le 19 décembre, le « Chicago Tribune » écrivait que si l’armée abattait un bon millier de ces « danseurs », le calme reviendrait bien vite. Les milices et l’armée se préparaient, ou travaillaient déjà, à exaucer les vœux du « Chicago Tribune ».


BUFFALO GAP, LE MASSACRE OUBLIE
Les « troubles » suscités par la Danse des Esprits ont servi de prétexte aux autorités pour suspendre les distributions de viande sans lesquelles les Lakota ne pourront passer l’hiver. Dans les premiers jours de décembre 1890, le clan du chef Big Foot, installé à Takini sur Cherry Creek, un petit affluent de la rivière Cheyenne, décide d’envoyer un parti de chasseurs en direction des Black Hills, sur les territoires de chasse traditionnels des Minnecoujou. A défaut de bisons, maintenant disparus, ils espèrent trouver des cerfs, des antilopes, du petit gibier. Ils disposent d’une dizaine de chariots – les Indiens utilisent de moins en moins les travois – et sont accompagnés par des femmes et quelques enfants, en tout une cinquantaine de personnes. Pour atteindre les territoires de chasse de la tribu, ils doivent traverser une zone occupée par les pâturages des éleveurs blancs.
Près de Buffalo Gap, ils font halte à un ranch où ils savent rencontrer des amis de longue date. Mais, contre toute attente, l’homme menace de son fusil les femmes venues frapper à sa porte. Les Indiens comprennent aussitôt que « quelque chose ne va pas » et décident de quitter la région au plus vite. Mais les gens et les chevaux doivent se reposer et ils dressent le camp pour la nuit. A l’aube, alors que les Indiens se préparent à partir, un groupe de cow-boys attaque le camp indien. Ils ne laisseront derrière eux que des morts et des mourants. Cela se passait le 10 décembre.
Une jeune femme, White Eyes, sera la seule survivante. Blessée à la jambe, elle réussira pourtant à rejoindre Takini, le village que ceux de Big Foot viennent de quitter (le 17 décembre) pour aller vers le sud, et qu’elle retrouve complètement pillé. Les traces de chevaux ferrés bien visibles sur le sol laissent peu de doutes sur l’identité des pillards. Suivant les traces des chariots de la bande de Big Foot qui ont sur elle un ou deux jours d’avance, elle parvient au site de Wounded Knee quatre jours après le massacre, alors qu’on enterre les derniers morts. Un soldat la découvre et la porte sur un chariot. Au dernier degré de l’émotion, de l’épuisement et de la souffrance, elle s’évanouit. Prise pour une survivante du massacre, elle sera soignée et sauvée.
La jeune femme était arrivée trop tard pour mettre en garde ceux de son peuple. Elle avait marché trois cents kilomètres avec une balle dans la cuisse. Elle avait du se cacher pour échapper aux équipes de cow-boys qui écumaient le pays. Elle les avait vus à plusieurs reprises enlever des bestiaux, piller et brûler des fermes de colons qui avaient « fuit la menace indienne ». Deux Blancs, Everett J. Bradford et Esra J. Bradford, ont déclaré plus tard avoir été témoins des déprédations des « renégats blancs » commises contre les fermes.
White Eyes, qui avait du abandonner son mari et ses proches parents morts près de Buffalo Gap pour retrouver, après un terrible voyage de vingt deux jours, tout son clan tribal anéanti à Wounded Knee, avait fait vers 1906,en langue lakota, le récit de ce qu’elle avait vécu. Ses paroles avaient été notées, puis traduites par la suite. Les révélations de White Eyes ont été confirmées par les interviews faites entre 1990 et 1993 de six vieillards lakota dont les parents avaient eu connaissance de ces événements.

La lecture de quelques journaux parus au Dakota du Sud et au Nebraska entre le 8 et le 14 décembre ne manque pas d’intérêt.
Le journal « Omaha Morning Bee » du 9 décembre annonce : « Demain, à l’aube, un gros parti de cow-boys armés quittera Buffalo Gap et tuera et capturera tous les Indiens hostiles qu’il pourra rencontrer ». Le « Yankton Press & Dakotan » du 10 décembre titrait : « Une possible bataille » et donnait une nouvelle analogue. Le même jour, le « Omaha Morning Bee », sous le titre « Préparations guerrières », annonçait : « Nous n’avons jusqu’à présent reçu aucune nouvelle de l’équipe d’éleveurs et de cow-boys armés partie défendre nos ranchs isolés et punir les Sioux pillards ». Mais le 13 décembre, le « Rapid City Journal » est en mesure d’apprendre à ses lecteurs que : « Le général Carr a reçu une dépêche indiquant que de nombreux Indiens et Blancs ont été tués au cours de cette sanglante rencontre ». Les « nombreux morts blancs » avaient apparemment été ajoutés pour accroître l’émotion des lecteurs.
Il est bien certain que le « gros parti de cow-boys armés » décrit par les journaux avait pris peu de risques en attaquant par surprise ces Indiens défendus par quelques hommes munis de vieilles armes de chasse. C’est le crime annoncé. La préméditation est évidente.
Cet assassinat des chasseurs minnecoujou et de leurs familles, c’est le massacre oublié, tout comme l’ont été l’embuscade meurtrière tendue par la « Home Guard » le 16 décembre aux Danseurs des Esprits des Badlands, l’assassinat de Dead Arm, et toutes les escarmouches et attaques-éclair menées contre les Lakota par les éleveurs, les miliciens et des éléments de l’armée tout au long des mois de novembre et décembre 1890. Oubliés de l’histoire parce que non retenus dans les rapports officiels, et pour cause, puisqu la discrétion était justement le garant de leur efficacité.
Les Américains qui tiennent avant tout à donner aux autres, et à eux-mêmes, une image de justice et même de compassion, n’ont pas intérêt à s’en souvenir, surtout depuis qu’ils prétendent représenter « le Bien » à la face du monde.


WOUNDED KNEE
Le chef minnecoujou Big Foot (Si Tanka), un homme de paix mais de caractère, est l’un des plus déterminés parmi les opposants à l’assimilation.
Il apprend l’existence d’une liste noire des trente principaux chefs « hostiles » que l’armée a l’intention d’arrêter. Il est sur cette liste. Avant d’être jeté en prison, il veut assurer la sécurité des siens. Il décide de rejoindre l’agence de Pine Ridge à l’extrême sud de la réserve et de mettre son clan sous la protection de Red Cloud, le vieux chef qui a gardé la confiance des Lakota. Il paraît que Red Cloud lui avait envoyé quelques jours plus tôt un message pour l’inviter à venir s’entretenir avec lui.
Le 17 décembre, partant de Takini, les quelques trois cents Minnecoujou se mettent en route vers le sud. A la hauteur de Bridger, ils sont rejoints par une cinquantaine d’Hunkpapa en fuite après l’assassinat de leur chef et qui veulent faire route avec eux.
Le groupe est surtout composé de femmes et d’enfants, de vieillards et de malades. Il y a moins de soixante hommes en état de combattre. Les Indiens ont des chariots pour transporter leurs tipis et leurs maigres bagages. Ils vont lentement. Ils n’ont pratiquement rien à manger. Depuis des années, ils connaissent la misère, celle de la réserve, la misère sans espoir. La plupart sont vêtus de vieux vêtements de Blancs donnés par des personnes charitables. Certains portent des chemises et des robes de la Danse des Esprits, la danse qui doit faire revenir le bonheur d’autrefois.
Un pénible incident marque la soirée du 25 décembre. Il nous est connu à la fois par le témoignage de Iron Hail (Wasu Maza), l’un des rares hommes de la troupe de Big Foot à avoir survécu, et par le récit très détaillé d’Alice Ghost Horse qui avait treize ans en ce mois de décembre 1890.
Ceux de Big Foot arrivent en vue d’une petite église de rondins. Une lumière dorée illumine les fenêtres, des chants de Noël s’élèvent dans le silence du soir. Tandis que les hommes détèlent les chevaux et les mènent boire dans les dernières lueurs du jour, des femmes, leurs enfants dans les bras, des jeunes filles, des grands-mères, vont frapper à la porte de la maison du Dieu des Blancs pour demander un abri et en peu de chaleur en cette nuit glacée. La jeune Alice est parmi elles au côté de sa mère. Quand la porte s’ouvre, les femmes ont le temps d’apercevoir des cierges, un sapin illuminé décoré de rubans rouges. Mais un homme s’avance vers elles. Sa voix menace : « Hors d’ici, brigands ! ». La porte est refermée violemment. Humiliés jusqu’au fond d’eux-mêmes, les Lakota attellent leurs chevaux et repartent dans la nuit. Ils vont monter leur camp loin de ces Blancs dont l’étrange religion parle tant d’amour.
L’armée cherche les Minnecoujou dont la « fuite » a été signalée. Le 28 décembre, dans l’après-midi, l’armée les rencontre près de Porcupine Butte, à une soixantaine de kilomètres au nord de Pine Ridge. (1) Ils ont, pour leur malheur, été interceptés par des éléments du 7ème régiment de cavalerie, commandés par le major Whitside. Le régiment de Custer détruit à Little Bighorn a été reconstitué. Résister est impensable pour ces gens épuisés et peu armés. Big Foot dit qu’il suivra les soldats. L’un des cavaliers lakota attache un chiffon blanc au bout d’un bâton.
L’armée conduit les Indiens jusqu’à Wounded Knee Creek, Opi Cankpe Wakpala, à une trentaine de kilomètres au sud, et fait monter le camp sur le terrain plat et dégagé qui borde le ruisseau. Les soldats installent leurs tentes près des tipis. Le commandant fait distribuer quelques vivres.
La nuit s’annonce claire et froide. Le major Whitside fait alors installer les deux mitrailleuses Hotchkiss qu’il a avec lui, directement pointées sur le camp indien. Pourquoi ? Des soldats viennent sous les tipis pour interroger les hommes. Ils recherchent ceux qui, quatorze ans plus tôt, étaient à Little Bighorn. Ils veulent les faire parler, ils les menacent, les frappent, ils vont jusqu’à les piquer avec leurs baïonnettes. Le vieux Big Foot est atteint de pneumonie, il crache le sang. Cela n’empêche pas huit soldats armés de le tenir éveillé toute la nuit, sous les menaces et les coups, sous l’une des tentes de l’armée, en compagnie des principaux chefs et de quelques anciens de la tribu. En fin de nuit, Big Foot, épuisé, dit quelques mots à l’oreille d’Iron Hail : « Souvenez-vous que je suis malade, soumettez-vous ».
La nuit se passe sans incident. Pourtant, l’angoisse étreint les Indiens. Mais pourquoi auraient-ils peur ? Ils se sont rendus, ils accompagnent paisiblement les soldats à Pine Ridge. Mais, pourquoi cette attitude agressive des soldats, pourquoi ces canons en position de tir ?
Dans la nuit, le colonel Forsyth est arrivé avec le reste du 7ème de cavalerie et des éléments du 1er régiment d’artillerie. L’effectif se monte maintenant à environ sept cents hommes. Deux canons supplémentaires ont été mis en position. Ce sont des armes modernes, à tir rapide, l’ancêtre de nos mitrailleuses, dont les balles explosives font d’épouvantables blessures.
Le matin est ensoleillé et froid.
Le colonel Forsyth ordonne aux hommes lakota de se rassembler au milieu du camp avec leurs armes. Il a l’intention de les désarmer.
Les soldats exigent de se faire remettre non seulement les fusils, les pistolets et les arcs, mais aussi les haches, les couteaux. Ils fouillent les tipis, allant jusqu’à prendre les grattoirs et les alènes des femmes. Des témoins indiens survivants disent que les soldats deviennent de plus en plus brutaux. Ils lacèrent les paquets déjà prêts, ils bousculent les femmes, ils les fouillent, surtout les jeunes, avec des gestes obscènes. Il est certain que les Lakota mettent une certaine mauvaise volonté à se laisser désarmer, et les soldats continuent à les accuser de cacher des armes.
Rassemblés au milieu du camp, les hommes défilent un par un pour remettre leurs armes. Dans un premier temps, une vingtaine de fusils est recueillie. Ce sont, pour la plupart, de vieux fusils qui servaient aux hommes à chasser encore. Les armes sont mises en faisceau par les soldats. A un moment, un homme médecine nommé Yellow Bird vient défier les Blancs, incitant les Lakota à résister. Quelques chants de la Danse des Esprits fusent ça et là. Le climat se tend (2)
Il semble qu’alors que le désarmement est presque achevé, un incident se soit produit.
Un homme, qui n’a pu être identifié avec certitude, refuse de donner son fusil, disant qu’il en a besoin pour chasser. Tandis que les soldats l’empoignent et qu’il se débat, le fusil se décharge accidentellement en l’air.
Un seul coup de feu, net et clair.
Alors, calmement, un officier tire son pistolet et va abattre le vieux Big Foot assis sur le sol. Comme Big Foot, qui n’est que blessé, tente de se relever, il le tue d’un second coup tiré à bout portant. Une femme se précipite. C’est la fille du chef. Un officier arrache un fusil des mains d’un soldat et abat la jeune femme d’une balle dans le dos.
L’ordre d’ouvrir le feu est donné. Les soldats se mettent à tirer sur les Indiens désarmés au milieu du camp. Les guerriers bondissent pour tenter de reprendre leurs armes. Ils sont fauchés. Certains se jettent à mains nues sur les soldats pour les empêcher de tirer. Ils crient à leurs femmes restées près des tipis et des chariots : « Inyanka po ! Inyanka po ! Courrez ! Courrez ! » Presque tous ces hommes seront tués.
Un bruit de tonnerre éclate. Les mitrailleuses ont commencé à tirer. Elles prennent le village en enfilade, là où se trouvent les familles, déchiquetant tout de leurs balles explosives. Femmes et enfants fuient avec les quelques hommes qui ont échappé au tir des soldats. Ils tentent de se cacher dans les replis du terrain, sur les rives du ruisseau, dans les rares buissons. Plusieurs dizaines de femmes et d’enfants seront retrouvés morts dans un ravin où ils se sont réfugiés. Le servant d’un des canons, un émigrant allemand, avait avancé sa pièce à l’entrée du ravin pour une meilleure efficacité de tir. Il sera chaudement félicité par son capitaine et sera le premier sur la liste des Médailles d’Honneur qui seront attribuées plus tard par le Congrès pour la « bataille » de Wounded Knee.
Ceux qui n’ont pas été fauchés par la mitraille sont poursuivis par des cavaliers, abattus à coups de pistolets, décapités au sabre. Les soldats s’amusent et font des concours de tir. Ils prennent des petits enfants dans les berceaux que les mères portent sur le dos, ils les lancent en l’air et ils tirent dessus. Iron Hail, blessé de quatre balles, raconte qu’alors qu’il gisait sur le sol, il avait vu passer des cavaliers poursuivant des femmes. Ils riaient. Puis il avait entendu des hurlements et des coups de feu. Il n’est pas invraisemblable que des femmes aient été molestées sexuellement ou même violées. Plusieurs femmes mortes ont été retrouvées à demi dévêtues, les jupes relevées.
Des gens ont été poursuivis sur des kilomètres et abattus à bout portant. Quand le feu à cessé, une voix a dit distinctement : « Henala ! Henala ! C’est fini ! ». Des enfants sont alors sortis de l’abri où ils s’étaient cachés. Ils ont été criblés de balles.

Le tonnerre des mitrailleuses avait été entendu au loin. La communauté de Manderson était proche. C’est là que vivait Black Elk, celui qui allait devenir le grand homme médecine oglala. Il avait alors vingt sept ans. Avec plusieurs jeunes braves, il s’était précipité pour aider ses frères. Ils avaient relevé plusieurs blessés et découvert deux petits enfants indemnes qu’ils avaient ramenés au village et confiés à des femmes.
Avec des Danseurs des Esprits accourus du camp de Kicking Bear installé plus au nord sur la White River, Black Elk et ses compagnons attaquent Drexel Mission, la mission catholique, où ils assiègent pendant trois jours des éléments du 7ème de cavalerie qui ont participé au massacre. « Après avoir vu ces femmes et ces enfants morts, j’étais fou et j’avais envie de tuer », dira Black Elk. Il faudra l’intervention du 9ème de cavalerie composé de soldats noirs pour déloger les Indiens.

Dans la soirée du 29, le blizzard se lève, gelant sur place les morts et les mourants. Malgré la tempête, des Danseurs des Esprits parcourent les rives du ruisseau le soir même et le lendemain, secourant des blessés, emportant des morts.
Le 31, le surlendemain du massacre, le blizzard s’étant calmé, une équipe d’une centaine de Lakota venant de Pine Ridge, conduite par American Horse (3), le chef en second après Red Cloud et accompagnée du Dr. Charles Eastman, un Santee, vient rechercher les derniers blessés. Un immense chagrin, avivé par un sentiment de rage impuissante, habite ces Indiens qui, comme Charles Eastman et American Horse, ont accepté de jouer le jeu de la civilisation et de suivre la fameuse « voie de l’homme blanc ». Le Dr. Eastman reconnaîtra, près cette terrible épreuve, que ses sentiments chrétiens et sa foi en la civilisation ont été douloureusement ébranlés.
Les blessés ramassés par les Lakota sur le champ du massacre sont entassés dans un chariot et conduits à l’église de Wounded Knee transformée en hôpital de campagne. Tous les blessés sont atteints de graves gelures et les balles explosives ont causé d’affreuses blessures. Malgré le dévouement des médecins et des religieuses, bien peu survivront.

Le 11 février 1891, à Washington, American Horse s’exprimait devant le commissaire aux Affaires Indiennes, un témoignage émouvant et digne, totalement accablant pour l’armée, d’autant plus significatif qu’il émanait d’un chef « pacifiste ». Après avoir rappelé brièvement les circonstances du massacre et cité plusieurs cas précis d’assassinats délibérés de femmes et de petits enfants, il concluait ainsi :
En effet, nous sommes tous extrêmement tristes à propos de cette affaire. Je suis demeuré parfaitement loyal envers le gouvernement durant cette période troublée et, ayant tellement fait confiance au gouvernement et ayant été si loyal envers lui, mon désappointement a été très fort et je suis venu ici à Washington le cœur plein de très vifs reproches. En effet, cela aurait été tout-à-fait admissible si seuls les hommes avaient été tués. Nous en aurions été presque reconnaissants. (4) Mais le fait d’avoir tué les femmes et plus spécialement les petits garçons et les petites filles qui sont destinés à être la force future du peuple indien, est la chose la plus triste de toute cette affaire et nous le ressentons de la manière la plus douloureuse.
American Horse aurait du comprendre que l’Amérique ne tenait nullement à protéger « la force future du peuple indien », mais s’efforçait au contraire de l’affaiblir en tuant ses enfants. Les mots fameux comme « Le seul bon Indien est un Indien mort » et « Plus nous en tuerons cette année, moins il en restera à tuer l’année prochaine » définissaient toujours la politique indienne des Etats-Unis en cette fin du XIXème siècle.

Deux jours plus tard, le 2 janvier, l’armée se décide enfin à envoyer des équipes pour enterrer les morts. Le fait d’avoir attendu quatre jours montre à l’évidence qu’elle n’avait aucune intention de secourir les blessés, d’atténuer si peu que ce soit le crime qu’elle venait de commettre. Les corps qui gisent éparpillés dans la neige sont mis ans de chariots et jetés dans une fosse commune creusée au sommet de la butte qui domine le ruisseau de Wounded Knee.
Tandis que les fossoyeurs sont à l’œuvre, le Dr. Charles Eastman est revenu, avec quelques cavaliers lakota, pour rechercher encore d’éventuels survivants. Il retrouve ainsi quelques agonisants qu’il assiste dans leurs derniers moments. Une petite fille d’environ six mois a survécu, retrouvée enveloppée dans le châle que sa mère mourante a mis autour d’elle. Un soldat entend ses pleurs et la ramène à Pine Ridge dans son manteau. Le bébé est adopté par le général Colby qui l’appelle son « trophée de guerre ». Les Lakota qui s’étaient occupés d’elle avant que le général ne s’en empare l’avaient appelée Zinkala Noni, Lost Bird. Morte en 1920 en Californie après une vie douloureuse, elle repose maintenant à Wounded Knee auprès des siens.
En dépit de la vigilance du Dr. Eastman, l’un des hommes a été enterré vivant. Il a une horrible blessure à l’œil, mais il respire encore. Il n’en est pas moins jeté dans la fosse avec les morts. Ce fait révoltant, qui montre bien quel cas font des Indiens ces hommes dont la religion se dit si compatissante, fut révélé, avec bien d’autres, lors d’une enquête sénatoriale conduite en 1976 sur les circonstances qui avaient entouré le massacre. Des Lakota, métis pour la plupart qui ont aidé l’armée à ramasser les mots et à les enterrer, ont dit leur peine et leur honte devant le spectacle qu’ils découvraient.
Officiellement, cent cinquante quatre personnes reposent dans la fosse commune de Wounded Knee. Le chiffre paraît bien faible. Il est certain que toutes les victimes du massacre ne sont pas là. Beaucoup d’autres sont morts après de leurs blessures et ont été enterrés ailleurs. Des morts avaient déjà été emportés par les Lakota. Il est probable que les bébés, les tous petits enfants ont été comptés avec leur mère. Des témoins ont dit que de toute façon, quand la fosse a été pleine, on a du cesser d’y mettre des corps. Tout ce qu’on peut dire, c’est que près de quatre cents personnes suivaient Big Foot. Comme il y a eu soixante à soixante dix survivants, le chiffre de trois cents morts généralement avancé apparaît donc raisonnable.
A Wounded Knee, en cette fin de siècle, au moins un scalp a été pris, et cela sous l’œil bienveillant du colonel Forsyth. La fiancée d’un soldat lui avait demandé de lui rapporter un scalp indien et il n’était pas question de la décevoir.
Des soldats prennent des « souvenirs » dans le camp dévasté par la mitraille et sur les cadavres de leurs victimes : vêtements, couvertures, sacs, berceaux, bijoux, jouets. Au bord de la fosse où l’on jette les cadavres, les fossoyeurs entendent bien profiter de leur rude labeur, dépouillant les cadavres de tout objet qui leur paraît négociable. Ils organisent des enchères auprès d’une foule de curieux, de journalistes, de photographes accourus au spectacle. Les plus belles pièces, les chemises et les robes des Esprits, surtout quand elles sont tachées de sang ou trouées par des balles, les pipes, les sacs médecine, sont mis de côté par des spéculateurs astucieux qui en ont plus tard tiré un bon profit en les négociant auprès de musées et des collectionneurs.
En 1993, dans un musée privé du Massachusetts, on a retrouvé de nombreux objets « collectés » à Wounded Knee. Parmi les chemises des Esprits, il y avait plusieurs scalps et un pied d’enfant, momifié dans son petit mocassin brodé, « ramassé sur le champ de bataille de Wounded Knee », selon la notice. Il est en effet très vraisemblable que des membres d’enfants aient pu être arrachés par le déluge de feu qui s’est abattu sur les Lakota.
Le photographe George E. Trager venant de Chadron, Nebraska, demande aux soldats de lui désigner les « bons morts » susceptibles de faire de bons clichés. C’est à lui qu’on doit la célèbre photo du cadavre de Big Foot. Il photographie des cadavres de femmes entassés, lamentables paquets de chiffons sanglants, des tipis brisés, les attelages avec leur cargaison de morts, la fosse commune où l’on entasse les cadavres, des soldats inquiets, le fusil à la main, guettant d’éventuels « vengeurs indiens ». On attire l’attention du photographe sur le cadavre de Yellow Bird, l’homme médecine. Mais celui-ci, vêtu d’une chemise des Esprits et d’un pagne à l’ancienne, repose face contre terre, collé au sol gelé, appuyé sur son bras à demi replié. Trager demande qu’on l’aide à retourner le cadavre pour obtenir un cliché plus intéressant. C’est ce qui explique la posture étrange du bras, le visage écrasé et indistinct, les cheveux curieusement dressés. On a même cru bon de poser un fusil à côté de lui, pour suggérer l’agressivité, probablement.
Aucun trouble de conscience n’affecte les soldats. Ils défilent en vainqueurs à travers Pine Ridge. Ils ont eu vingt huit morts. En fait, il est probable que pas plus de deux ou trois ont été tués par les Indiens qui, il faut le rappeler, avaient été désarmés. Les autres ont été tués par les mitrailleuses, le tir désordonné de leurs camarades. On sait à quel point les soldats américains sont coutumiers des « tirs amis » contre eux-mêmes et contre leurs alliés.
Entre février et mai 1891, vingt et une Médailles d’Honneur ont été attribuées par le Congrès à des officiers et à des hommes de troupe qui avaient participé au massacre du 29 décembre 1890. Ne retenons que deux des citations ayant trait aux actions d’éclat accomplies dans le ravin.
- Weinert, Paul H. – Caporal, Compagnie E, 1er régiment d’artillerie – A Wounded Knee, SD, 29 décembre 1890 – Citation : « Ayant pris la place de son supérieur grièvement blessé, il a vaillamment servi sa pièce, s’avançant après chaque tir pour occuper une meilleure position ».

- McMillan, Albert W – Sergent, Compagnie E, 7ème régiment de cavalerie – A Wounded Knee, SD, 29 décembre 1890 – Citation : « Engagé contre les Indiens cachés dans le ravin, il apporta son aide aux hommes sur la ligne de front, dirigea leurs tirs, les encouragea par l’exemple et utilisa tous les moyens pour déloger l’ennemi »

Trois autres citations très élogieuses ont encore été attribuées pour le « nettoyage » du ravin. Il faut savoir que la Médaille d’Honneur, souvent appelée Médaille du Congrès, est la plus haute distinction militaire américaine. Elle n’est attribuée que pour « actes de bravoure exceptionnelle ». Un massacre de femmes et d’enfants, d’hommes désarmés, des actes de barbarie caractérisés, des actes de bravoure exceptionnelle ? Jamais un si grand nombre de Médailles d’Honneur n’avait été accordé en une seule fois et n’a jamais été accordé depuis. L’Amérique considérerait-elle le massacre de Wounded Knee comme sa victoire la plus honorable, celle dont elle a lieu d’être la plus fière ? Si ce n’est pas le cas, pourquoi le Congrès refuse-t-il de les retirer, comme le demandent les Lakota ? Pour eux, les médailles de Wounded Knee, c’est comme avoir donné la Médaille d’Honneur au lieutenant Calley et à ses hommes pour le massacre de Mi Lay.


STRONGHOLD
Dès les premiers jours de janvier 1891, les Danseurs des Esprits, ceux qui, après l’horreur du massacre, résistent encore, fuient vers Cuny Table, le Stronghold, une forteresse naturelle des Badlands, au nord d’Oglala. C’est un vaste plateau facile à défendre, où beaucoup d’entre eux s’étaient déjà réfugiés depuis le début de l’hiver pour célébrer leurs cérémonies à l’abri des attaques des milices et de l’armée. Ils sont rejoints par des milliers d’Oglala qui, poussés par la peur, le chagrin, la colère, affluent de toute la réserve, même de Pine Ridge-Village, le siège de l’agence. Red Cloud et plusieurs « pacifistes » sont parmi eux. L’armée ne cherche pas à les déloger par la force, mais se contente de les assiéger, estimant que la faim, le froid et le découragement les amèneront à se rendre.
Le 7 janvier, le lieutenant Casey, accompagné de quelques scouts cheyenne, pénètre dans les défenses de la forteresse. Bien qu’on n’ait jamais su clairement quelle était sa mission, il semble qu’il venait prendre des contacts pour rencontrer Red Cloud et négocier une reddition. Le malheureux lieutenant est abattu d’une balle dans la tête et scalpé. Son meurtrier est Plenty Horses, un jeune Oglala qui a fréquenté l’école indienne de Carlisle, Pennsylvanie, pendant plusieurs années. De retour sur la réserve, il a pris part au mouvement de la Danse des Esprits. En tuant et en scalpant un soldat, il a voulu à la fois venger les morts de Wounded Knee et s’attirer le respect des siens par un acte de bravoure totalement assumé, réintégrer sa communauté, s’affirmer en tant que guerrier indien. C’est ce qu’il a déclaré lors de son procès. Jugé par des militaires, il a été acquitté, ceux-ci ayant reconnu, avec beaucoup d’honnêteté, qu’il s’agissait là d’un acte de guerre et non d’un assassinat.
Avec un gardien de troupeau qui s’était opposé aux guerriers qui voulaient s’emparer de quelques bêtes pour nourrir leurs familles retranchées au Stronghold, le lieutenant Casey aura été le seul Blanc tué par les Indiens dans cette période troublée. Ce troupeau de bovins était d’ailleurs destiné aux Indiens de la réserve, mais avait été retenu sur ordre de l’armée.
Les réfugiés du Stronghold peuvent faire du feu, construire des abris de fortune qui s’ajoutent à quelques tipis apportés de la réserve, mais il n’ont pratiquement rien à manger et manquent cruellement de vêtements chauds et de couvertures. Ils n’ont pu emporter que peu de choses en fuyant la réserve en proie à la famine et à l’extrême misère, et la chasse est d’un faible secours pour nourrir un si grand nombre de personnes. De nombreux émissaires se rendent auprès des Indiens, des prêtres, des médecins, des fonctionnaires, pour obtenir leur reddition.
Vers le 15 janvier, la situation au Stronghold est désespérée. Encore quelques jours, et les gens vont commencer à mourir de faim. American Horse et Red Cloud lui-même incitent les rebelles à déposer les armes, les suppliant de prendre en pitié leurs femmes et leurs enfants. Certains se rendent. Standing Bear, le père du futur Luther, qui a pris le parti de l’assimilation mais qui n’est pas pour autant un lâche, rencontre les irréductibles qui, exaspérés, menacent de le tuer. Il réussit pourtant à les convaincre de l’inutilité de la résistance et obtient leur reddition.
Le 17 janvier, entre deux haies de soldats et de policiers indiens qui présentent les armes, près de quatre mille Lakota regagnent l’agence de Pine Ridge. Tout est fini.

Le « Pioneer » avait déjà déclaré que notre sécurité dépendait de la totale extermination des Indiens. Les ayant maltraités depuis des siècles, nous aurions mieux fait, afin de protéger notre civilisation, de continuer dans cette voie et de rayer de la surface de la terre ces créatures indomptées et indomptables.
C’est ce qu’écrivait, en manière d’épitaphe pour les sacrifiés du Grand Holocauste Américain, le journal « Aberdeen Saturday Pioneer » sous la plume de son éditorialiste Frank Baum (5) six jours après le massacre de Wounded Knee.

Le drame de Wounded Knee, par son énormité, son symbolisme, le paroxysme de douleur qu’il a suscité, a été l’achèvement d’une longue série d’exactions, l’anéantissement de la plus petite trace d’espérance pour le peuple indien.
C’est pourquoi il nous a semblé important d’exposer en détail les événements particulièrement tragiques et souvent peu connus qui ont marqué ce début d’hiver 1890.

Les événements qui ont précédé le massacre de Wounded Knee, ainsi que certaines circonstances du massacre lui-même, nous sont connus par l’ouvrage « Lost Bird of Wounded Knee » de Renee Sansom Flood, Scribner Editor, New York, 1994.

Notes
(1) Le récit fait par Alice Ghost Horse donne une autre version de la manière dont s’est faite la rencontre entre la bande de Big Foot et les éléments du 7ème de cavalerie commandé par le major Whitside. On avait jusque là l’habitude de considérer que c’était l’armée qui avait « trouvé » les Indiens. Alice, alors âgée de treize ans, raconte : Le voyage était dur, mais nous étions déjà sous la butte de Porcupine. Le lendemain (certainement le 28 décembre) les chariots de tête se sont arrêtés sur une colline surplombant un ruisseau. Mon père nous quitta pour aller voir ce qu’ils regardaient (….) Il y avait en bas un camp de la cavalerie. Mon père revint et nous dit qu’ils avaient envoyé des jeunes gens en bas pour parler avec la cavalerie puisque les soldats se trouvaient sur notre chemin. Je vis quatre cavaliers descendre vers le centre du camp, où il y avait un gros canon sur des roues. L’un des cavaliers avait un drapeau blanc, un tissu blanc attaché à un bâton et il chevauchait en avant des trois autres. Dès que nos cavaliers eurent traversé le ruisseau, les soldats se jetèrent à plat ventre et les mirent en joue. Mais ils (les Lakota) continuèrent à avancer. Ils mirent pied à terre au milieu du camp et ils discutèrent un moment, puis l’un d’eux remonta au galop sur la colline et s’approcha du chariot de Big Foot. Il dit que les soldats voulaient que le chef vienne au centre du camp pour parler, mais la famille répondit non parce qu’il était très malade, aussi le cavalier descendit pour le leur dire.
(Un médecin vient examiner Big Foot et lui administre un médicament)
Bientôt, un cavalier revint et nous dit que nous devions installer le camp sur la rive ouest du ruisseau (de Wounded Knee). Alors, nous avons conduit nos chariots vers la vallée et nous avons installé nos tentes comme on nous l’avait ordonné.
(L’armée distribue quelques vivres aux Indiens)
Au coucher du soleil, nous étions complètement entourés par des soldats à pied, tous armés de fusils. Ma mère et moi, nous sommes descendues vers le ruisseau pour ramasser du bois et aller aux toilettes, mais deux soldats nous ont suivies. Aussi, nous avons fait vite et nous sommes revenues avec quelques morceaux de bois. A ce moment, nous sommes allés nous coucher parce que nous étions tous fatigués de notre rude voyage. Certains de nos jeunes gens sont demeurés debout toute la nuit pour surveiller ce que faisaient les soldats. Certains soldats étaient ivres et ils disaient de vilaines choses à propos des femmes lakota (In « Lost Bird of Wounded Knee », pages 37 et 38)
Ce témoignage dément les accusations affirmant que le comportement provocateur de la bande de Big Foot avait été la cause du drame. Ces gens ne se cachaient pas, ils voyageaient tout simplement. Leur bonne conscience était si évidente qu’ils sont allés d’eux-mêmes se présenter aux soldats qui ne les avaient pas vus venir. Il leur aurait sans doute été facile, s’ils l’avaient voulu, de se détourner de leur route et d’éviter l’armée.

(2) Il a toujours été admis que l’attitude agressive de l’homme médecine nommé Yellow Bird avait contribué à provoquer le massacre. C’est la version donnée par l’interprète Philip Wells dont la connaissance du lakota avait de nombreuses fois été prise en défaut au cours de rencontres officielles. Philip Wells n’avait qu’un quart de sang indien et se considérait comme un homme blanc. Dans les versions erronées qu’il donnait des paroles des Indiens, on ne sait ce qu’il faut attribuer à la méconnaissance de la langue ou au désir de dire ce que les Blancs voulaient entendre. Le colonel Forsyth l’estimait beaucoup.
Tous les récits des survivants confirment que les Indiens, en cette matinée du 29 décembre, sentaient monter le péril. A moins de faire une confiance aveugle à leurs « chemises des Esprits » (et tous n’en portaient pas), il aurait été suicidaire pour eux de se montrer agressifs, surtout après les recommandations de prudence de Big Foot. L’homme médecine Yellow Bird était un intime de la famille Ghost Horse et Alice était donc particulièrement attentive à son comportement. Elle raconte : Un homme médecine du nom de Yellow Bird se tenait debout face à l’Est. Tout près du feu qui venait d’être recouvert de terre, il priait (les bras levés et les paumes tournées vers le ciel). Il disait aux aigles tachetés qu’il voulait mourir à la place de son peuple. Il sentait que quelque chose allait arriver. Il ramassa de la poussière près du foyer et la lança en l’air en disant : « C’est en cela que je veux retourner, en poussière ». (In « Lost Bird of Wounded Knee », page 28)

(3) American Horse – Souvent appelé « Young American Horse ». Il s’agit du neveu du vieux chef American Horse tué le 9 septembre 1876 à la bataille de Slim Buttes.

(4) Cette étonnante remarque révèle le point de vue indien sur le rôle des hommes. Il était en effet pour eux normal de donner leur vie au combat, en particulier quand il s’agissait de défendre leurs familles. Mais le fait de tuer intentionnellement les femmes et les enfants leur paraissait, à juste titre, parfaitement révoltant.

(5) Frank Baum est l’auteur du conte « Le Magicien d’Oz » qui a été à plusieurs reprises porté à l’écran.

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