mardi 11 novembre 2008

bisons

IL FAUT SAUVER
LES BISONS !

Depuis de nombreuses années, les gardes du parc de Yellowstone (Wyoming) opéraient sur le troupeau de bisons du parc des abattages dits « de régulation », quelques dizaines de bêtes par an. Au fil du temps, la population de bisons s’était accrue et, durant l’hiver, les animaux sortaient souvent des limites du parc à la recherche de pâturages. Ces évasions se faisaient sur le territoire de l’Etat du Montana qui limite le parc au nord et à l’ouest.
Mais durant l’hiver 1996-1997, particulièrement rude, ces abattages ont tourné au massacre, touchant plus de 1100 bêtes, un tiers environ du dernier troupeau de bisons sauvages des Etats-Unis. Fortement traumatisés par ces tueries qui leur rappelaient les heures les plus sombres de leur histoire, de nombreux Indiens ont voulu réagir.


Avril 1997
« LES BISONS SONT SACRES ! »
Pour les leaders spirituels et les traditionalistes indiens, le massacre des bisons du parc de Yellowstone durant l’hiver 1996-1997, et le fait d’en avoir laissé un certain nombre mourir de faim, est une attaque directe contre la spiritualité indienne.
Arvol Looking Horse, gardien de la Pipe Sacrée des Lakota, et Joe Chasing Horse, leader spirituel brulé (réserve de Rosebud) affirment que les bisons doivent être protégés contre toute attaque conduisant à leur extermination et appellent les nations indiennes à intervenir. « Le bison est au centre de notre culture et de notre religion et il doit être préservé. Le peuple indien doit s’unir à travers sa spiritualité, pas seulement les nations lakota, mais toutes les nations indiennes », déclare Arvol Looking Horse.
Le bison est un symbole spirituel fort pour de nombreuses nations indiennes. Depuis le Sud-Ouest jusqu’au Canada, le bison est respecté pour le fait qu’il se sacrifie pour le bien-être et la survie des êtres humains. Pour les Lakota et plusieurs nations des Plaines, le bison est sacré.
« Sur les dessins de nos winter counts (1), le bison représente le soleil, dit Joe Chasing Horse. « Les symboles qu’il porte sont l’histoire et les prophéties de notre peuple ». Chasing Horse craint que le massacre des bisons puisse affecter le cosmos. Les fortes tempêtes magnétiques qui se sont produites récemment sur le soleil ont inquiété les hommes médecine. « Le gouvernement doit respecter notre relation avec le bison. Nous l’avons mis en garde contre le fait d’intervenir dans le cycle naturel », ajoute Joe Chasing Horse.
Selon Jimmy Shendo du Pueblo de Jemez (Nouveau Mexique) il fut un temps où les Pueblo chassaient le bison. « Des danses avaient lieu à la fin de l’hiver pour honorer les bisons. Durant ces danses, notre peuple priait pour les bisons et pour que nos hommes fassent bonne chasse ». Aussi, plusieurs nations indiennes du Sud-Ouest se sont jointes à celles des Plaines dans la lutte pour la préservation des bisons.
Le 6 mars 1997 avait été déclaré « jour de prière pour les bisons ». De nombreux Lakota venant du Dakota du Sud, ainsi que des représentants des nations indiennes du Montana, s’étaient réunis près de la petite ville de Gardiner, à la limite nord du parc de Yellowstone, où les massacres de bisons avaient eu lieu durant l’hiver et se poursuivaient encore. Pendant qu’Arvol Looking Horse priait pour les bisons, on avait entendu des coups de feu. Rosalie Little Thunder (2) s’était rendue sur les lieux de la fusillade pour découvrir que quatorze bisons venaient encore d’être abattus par les rangers du Montana - un geste de malveillance que les Indiens considèrent comme une provocation dirigée contre eux.
Très émue par ce qu’elle venait de voir, Ms. Little Thunder avait voulu alors entrer dans une petite église toute proche pour y prier. Mais le pasteur de cette église, en principe ouverte à tous, avait aussitôt appelé le shérif pour qu’il en interdise l’entrée à Ms. Little Thunder. Arrêtée et mise en prison, Ms. Little Thunder n’avait été libérée qu’après le versement d’une caution de 320 dollars, payée par des habitants de Gardiner, indignés du procédé. Ms. Little Thunder, inculpée pour « empiétement criminel sur la propriété de l’église » a été condamnée à une amende de 125 dollars. Elle avait déclaré devant la cour n’être coupable que d’avoir voulu protéger les bisons sur les terres ancestrales de son peuple. « Les bisons sont menacés d’un massacre qui équivaut à celui du XIXème siècle, quand ils avaient été presque totalement exterminés, dit Ms. Little Thunder. « Nous, Indiens, devons prendre des mesures pour protéger les bisons. Un tel holocauste ne doit jamais se reproduire ! Il est temps pour nous, les nations du bison, de nous battre pour les bisons qui sont nos parents ».
Joe Chasing Horse déclare de son côté : « Rien n’a jamais pu compenser pour nous la perte de nos troupeaux sacrés. L’extermination des bisons a été un moyen de génocide utilisé contre nous. L’économie et la culture des nations indiennes des Plaines reposaient sur le bison. Ce sont nos méthodes traditionnelles qui devraient être utilisées pour la gestion des troupeaux du parc de Yellowstone. Les autorités du parc se refusent à nourrir les bisons durant l’hiver afin de ne pas perturber le cycle naturel. Le fait de les tuer fait-il partie du cycle naturel ? »
Il est certain que, dans les temps anciens, quand les bisons se comptaient par dizaines de millions, le fait qu’il en meure durant l’hiver à cause du froid, du manque de nourriture ou des prédateurs, y compris humains, n’avait pas de graves conséquences. C’était là, en effet, le « cycle naturel ». Mais abattre ou laisser mourir près de la moitié des bisons du parc de Yellowstone, créé justement pour leur protection, est un crime. Comment ose-t-on invoquer le respect des « conditions naturelles » quand, justement, on empêche les bisons de suivre leur instinct qui les pousse à quitter le parc devenu trop petit, où ils se trouvent emprisonnés, où la nourriture manque en hiver ?
Les bisons et les autres animaux sauvages comme les élans ont besoin d’un espace libre et naturel suffisamment vaste. N’y a-t-il plus de place pour eux en Amérique ?
Source : « Indian Country Today » avril 1997
(1) « Winter count » - C’était une sorte de calendrier : sur une peau de bison, un dessin était réalisé pour symboliser l’un des événements importants de l’année écoulée
(2) Rosalie Little Thunder est une Brulé (Sicangu) de la réserve de Rosebud, Dakota du Sud. Issue d’une famille de traditionalistes lakota, elle enseigne la langue et la culture de son peuple dans plusieurs écoles. Elle est également connue pour ses travaux de broderies de perles. Très impliquée dans la défense des bisons, elle a fondé au printemps 1997, avec Mark Mease, l’association « Buffalo Nation » qui lutte pour la protection des bisons.


Juin 1997
LA COURSE DE LARRY HAND BOY
Quand, le 15 mai 1997, Larry Hand Boy, Lakota, a quitté la réserve de Cheyenne River (Dakota du Sud) il n’avait qu’un sac à dos, un staff de plumes d’aigle, cent dollars en poche et la forte conviction que quelque chose devait être fait pour les bisons massacré l’hiver précédent à la frontière nord du parc de Yellowstone.
Onze cents bisons (1) qui s’étaient aventurés hors du parc national avaient été tués. Leur abattage, autorisé par les autorités de l’Etat du Montana, était présenté comme un moyen de protéger de la brucellose le bétail qui pâture l’été autour du parc. La brucellose provoque l’avortement des vaches et peut contaminer les humains. Pourtant, aucune contamination du bison à la vache n’a jamais été constatée sur le terrain ; elle l’a été seulement au cours d’une unique expérience de laboratoire.
« J’ai appelé InterTribal Bison Cooperative (ITBC) (2) pour demander de l’aide. Ils m’ont donné cent dollars et une carte de la région », raconte Larry Hand Boy. Mark Heckert, directeur d’ITBC, rend hommage à l’initiative de Larry : « Cette course est une idée de Larry. Quand il nous a appelés, nous cherchions justement le moyen d’attirer l’attention sur ce qui s’était passé. Il nous a dit que, de toute façon, il le ferait ».
Larry Hand Boy se proposait de jouer le rôle du « crieur de camp » traditionnel qui, dans les cultures des Plaines, annonçait les nouvelles au peuple. Il voulait porter la nouvelle du massacre des bisons aux tribus de la région. « Les éleveurs blancs voient le bison comme une nuisance. Pour les Indiens, il est une bénédiction. La destruction d’une bénédiction n’est pas acceptable », dit-il.
Carla Brings Plenty, Oglala, chargée de l’éducation et de la culture à ITBC, a demandé à chaque tribu membre de la coopérative un don de deux cents dollars pour les frais de la course. Elle a aussi aidé à préparer l’itinéraire, long de 5 400 km. Même avec l’aide d’ITBC, le voyage de Larry Hand Boy n’a pas été facile. Il a marché seul la plupart du temps, faisant de l’auto-stop quand il le pouvait. « En sortant de Bismark, je me suis demandé si je n’avais pas fait le mauvais choix. J’étais en mauvaise forme et près d’abandonner. Alors une voiture s’est arrêtée et une grand-mère de quatre-vingt un an en est descendue. Elle a marché plus de 10 km avec moi. Après cela, je ne pouvais plus abandonner ».
A Fort Berthold et à Spirit Lake au Dakota du Nord, à toutes les réserves du Dakota du Sud, aux Winnebago et aux Ponca du Nebraska, il a porté le message disant que les bisons devaient être sauvés. « Les enfants et les Anciens nous ont aidés. Nous voulions toucher tout le monde. C’est une course aussi bien pour les Blancs que pour les Indiens. C’est ce qui est unique dans cette course. »
Entre le 15 et le 20 juin, Larry a participé à la Course Sacrée autour des Black Hills (Sacred Hoop Run) puis il a parcouru les 2 700 km restants. Il a porté le message à toutes les tribus du Montana, avec un arrêt à Gardiner, où un rassemblement spirituel avait eu lieu en mars. « Je veux que les bisons soient rendus au peuple indien. J’ai une longue route à faire, mais je veux accomplir mon voeu. S’il peut résulter quelque chose de bon de ce que je fais, j’en serai satisfait ».
Avec le printemps, le troupeau a regagné le parc, mais les défenseurs de la vie sauvage craignent que le massacre ne se répète l’hiver prochain. « Nous devons rester très vigilants, dit Ms. Brings Plenty. Nous avons signé un accord avec la Fédération Nationale pour la Vie Sauvage (National Wildlife Federation) qui compte quatre millions de membres dans tous les Etats-Unis. Nous devons empêcher une nouvelle tuerie l’hiver prochain ».
Larry Hand Boy prépare aussi l’avenir. « Un homme médecine avec lequel je faisais une sweatlodge à Flandreau m’a dit que je devais faire cela quatre fois. Je respecte mes Anciens. Aussi, c’est ce que je vais faire ».
Source : « Indian Country Today » juin 1997
(1) Le chiffre donné ici ne tient compte probablement que des bisons abattus par les fonctionnaires de l’Etat du Montana. Des tirs « spontanés » ont eu lieu, difficiles à estimer, mais qui devraient gonfler fortement la statistique. Des bisons ont été également retrouvés morts de faim.
(2) « InterTribal Bison Cooperative » (ITBC) est une association entièrement indienne fondée en 1992 par Louis Dubray, un Lakota de Cheyenne River. Son objectif était d’aider les tribus à réintroduire les bisons sur leurs réserves. Depuis les événements du parc de Yellowstone, l’association est en première ligne pour la défense des bisons.
Pour se renseigner et apporter son soutien, on peut s’adresser à :
ITBC - P.O. Box 8105 - Rapid City , S.D. 57 709 - Fax : (605) 394-7742


Septembre 1997
IL FAUT EMPECHER DE NOUVEAUX MASSACRES
L’histoire des nations indiennes des Plaines est inséparable de celle des bisons. Beaucoup d’Indiens croient toujours que leur destin est lié à celui des bisons.
Des Anciens se sont réunir à la fin du mois de septembre à Gardiner pour s’entretenir de la signification du bison dans la culture et la spiritualité indiennes. « Il n’y avait jamais eu de réunion formelle pour discuter de l’importance historique et culturelle du bison », dit Ms. Little Thunder qui organise la conférence. « Au-delà des nations lakota, nous avons étendu l’invitation à tous les Anciens et aux leaders des tribus qui autrefois dépendaient du bison pour leur survie ».
A la fin du mois d’août, l’association Buffalo Nation s’est réunie afin de trouver des réponses aux abattages massifs des bisons qui s’étaient aventurés l’hiver dernier hors des limites du parc de Yellowstone à la recherche des pâturages qui font défaut dans le parc. Des repérages aériens faits durant l’été ont révélé que le parc ne comptait plus que 1200 bisons. A l’automne 1996, ils étaient 3500.
John Mack, l’un des biologistes du parc, est pourtant assez optimiste : « Compte tenu du taux de reproduction, nous devrions en avoir près de 2000 dès l’an prochain ». Quand on lui demande combien de bisons le parc peut nourrir, Mr. Mack répond : « Nous n’avons pas une idée précise de ce qu’un troupeau optimal pourrait être. Nous venons seulement de commencer une étude sur l’écologie du bison, sa nourriture, son habitat, la manière dont il utilise son territoire ». Quand on se sait que des bisons vivent sur le parc de Yellowstone depuis 1894, on peut tout de même s’étonner qu’une telle étude n’ait pas encore été conduite.
ITBC et la « National Wildlife Federation » (NWF), la plus importante association américaine de protection de la nature, ont demandé l’établissement sur le parc d’un centre vétérinaire qui testerait les bisons pour la brucellose et qui enverrait aux tribus qui en feraient la demande les animaux sains considérés comme en surplus sur le parc. Un centre de ce genre existe hors du parc à Steven Creek, mais il ne peut traiter qu’une centaine de bisons par an. « Des solutions comme le déplacement des bisons en surplus sur les terres indiennes devraient être prises en compte dans l’étude d’impact environnemental », dit Mr. Mack. C’est ce que, depuis plusieurs années, les Indiens demandent, jusque là sans succès.
ITBC et NWF demandent que l’Etat fédéral fasse l’acquisition de prairies supplémentaires afin de servir de pâturages d’hiver aux animaux du parc. Les deux associations ont porté plainte en juillet devant la justice fédérale contre le ministère de l’intérieur, des fonctionnaires fédéraux et de l’Etat du Montana, pour les contraindre à réévaluer leur plan d’abattage avant cet automne, sans attendre que les bisons poussés par la faim quittent à nouveau le parc. « Il avait été annoncé que seulement 560 bisons seraient abattus pour la saison 1996-1997. Il y en a eu le double ».
L’enquête publique d’étude d’impact environnemental doit se prolonger durant tout le mois de septembre. Buffalo Nation espère que la réunion des Anciens et des leaders de tribus aidera à donner forme à l’étude et à faire entendre le point de vue indien. « Nous voyons là un moyen de préserver et de faire connaître le savoir développé par des générations d’interaction entre nous et les bisons, dit Rosalie Little Thunder. « Nous voulons traduire cette connaissance en un plan d’action pour le futur que les juristes et les biologistes pourront appliquer ».
Source : « Indian Country Today » septembre 1997


Décembre 1997
ENCORE DES MASSACRES DE BISONS CET HIVER ?
En ce début de décembre 1997, la douceur de la température a maintenu les bisons à l’intérieur des limites du parc de Yellowstone et hors de portée des fusils. Mais on peut craindre que quelques fortes chutes de neige n’entraînent une répétition des abattages de l’hiver dernier, estime Rosalie Little Thunder. « Il n’y a peut-être pas de risque imminent de massacre, mais quand on a connu les abattages quotidiens de l’an dernier, on ne saurait être trop vigilants », dit-elle.
Bien que tout soit calme cet hiver, la situation peut évoluer rapidement, selon Mike Mease de Buffalo Nation. L’organisation envoie sur le terrain des volontaires qui s’efforcent de convaincre les bisons de rester dans les limites du parc. La sécurité des bisons n’est même plus garantie à l’intérieur du parc. Les rangers ont été autorisés à abattre des animaux dans ses limites s’ils ne peuvent être capturés ou ramenés dans les zones qui leur sont autorisées, un changement de politique annoncé le mois dernier.
Il est envisagé d’installer les corrals de capture à Horse Butte, au nord-ouest du parc. On espère ainsi capturer des bisons qui pourraient être testés pour la brucellose et relâchés. Ceux qui seraient testés positivement seraient abattus.
ITBC et NWF ont envoyé au gouverneur Marc Racicot une pétition de plus de 10 000 signatures protestant contre la politique du Montana vis-à-vis des bisons. Les deux organisations ont demandé que les bisons sains trouvés hors du parc soient réinstallés sur des terres tribales et que les bisons demeurés sur le parc soient scientifiquement suivis. Elles demandent que le bétail appartenant à des éleveurs et pâturant sur les terres publiques soit vacciné contre la brucellose, une mesure qui devrait être étendue à tous les bisons du parc. « Les tribus membres d’ITBC sont désireuses et capables d’aller de l’avant et d’aider à résoudre ce problème », dit Mike Fox, président d’ITBC. Selon Mark Heckert, directeur de la coopérative, aucune réponse n’a été donnée. « Les préoccupations des Indiens ont été totalement ignorées, aussi bien par le gouvernement fédéral que par ceux des Etats. Ils ne nous ont accordé aucune attention ».
Il faut savoir que le parc de Yellowstone, le plus vaste et le plus ancien des parcs nationaux américains, possède long de ses frontières nord et ouest une large zone de prairies justement destinées par les législateurs à servir de pâturages d’hiver à la faune sauvage du parc. Or, depuis des décennies, la direction du parc trouve rentable de louer ces bons pâturages aux éleveurs du Montana qui y mettent leurs troupeaux de mai à octobre. Les éleveurs locataires estiment que, si des bisons porteurs de brucellose occupent ces prairies durant l’hiver, leurs vaches peuvent être contaminées durant l’été par la maladie. Autrement dit, les bisons se voient interdire, au profit des éleveurs, des pâturages nécessaires à leur survie et que la loi leur a explicitement réservés. Indiens et écologistes demandent simplement que la direction du parc applique la loi.
Le résultat d’une étude d’impact environnemental concernant le troupeau de bisons du parc doit être publiée en janvier 1998. « Les Indiens n’ont jamais été invités à participer aux discussions sur la manière dont le troupeau du parc doit être géré, alors que les responsables du parc reconnaissent que dix tribus ont des droits territoriaux sur le parc de Yellowstone », dit Mr. Mease.
Source : « Indian Country Today » décembre 1997


Mi-décembre 1997
« NOUS SOMMES LA NATION BISON ! »
Le 16 décembre 1997, des manifestants, indiens pour la plupart, ont défilé dans les rues d’Helena, la capitale du Montana, portant des pancartes où l’on pouvait lire : « Arrêtons le massacre de la Nation Bison du Yellowstone », « 1100 bisons abattus l’hiver dernier, cela suffit ! » et « Nous sommes la Nation Bison ! Arrêtez de tuer nos parents ! » Ils se sont rassemblés autour d’un tambour lakota pour attendre la décision d’un juge fédéral qui devait décider du sort des bisons du parc de Yellowstone. ITBC, qui regroupe à ce jour quarante cinq tribus, ainsi que diverses associations écologistes du Montana fédérées dans la NWF, avaient porté plainte contre l’état du Montana et l’administration fédérale à propos du projet établi pour la gestion des bisons du parc.
Quand les manifestants ont pris connaissance de la décision du juge Lovell qui interdisait les abattages de bisons au-delà d’une centaine, Mark Heckert, directeur d’ITBC, a déclaré : « C’est une victoire pour les bisons du Yellowstone. Nous allons continuer à faire pression sur les autorités pour que l’option de l’abattage soit totalement abandonnée ». Dans son arrêt, le juge Lovell parle des bisons du parc de Yellowstone comme d’un « trésor national ». Il ajoute que ce qui s’est passé l’hiver dernier où plus de 1 100 bisons avaient été tués ne doit pas se reproduire.
Carl Tsosie du Pueblo de Picuris, vice-président d’ITBC, et les autres militants qui assistaient à l’audience du tribunal, se sont déclarés extrêmement satisfaits des paroles du juge Lovell. « Ceci nous semble très positif, alors que l’Etat du Montana considère les bisons comme du simple bétail ».
« Nous ne devons pas revoir une autre grande tuerie de bisons sans que l’avis de cette cour ait été entendu », dit le juge. Il déclare qu’il pourrait, si nécessaire, déplacer les audiences sur la « ligne de feu » à la limite du parc. L’arrêt du 16 décembre va plus loin. Dès le lendemain, le juge Lovell ordonnait au directeur du parc Michael Finley d’élaborer un projet pour nourrir les bisons sur le territoire du parc afin de réduire et si possible d’éliminer la migration des animaux hors du parc. Le juge a aussi demandé à Mr. Finley de donner son avis sur la fermeture éventuelle de certaines routes et pistes afin de réduire les évasions de bisons.
Cela fait plus de cinq ans qu’ITBC consacre ses efforts à faire cesser le massacre des bisons du parc de Yellowstone. La coopérative a proposé de construire un établissement de quarantaine où les bisons seraient testés pour la brucellose. Les animaux sains pourraient être alors transportés sur les terres indiennes.
« Nous avons consacré nos vies à la défense des bisons du Yellowstone. La Nation Bison du Yellowstone représentait pour notre peuple le dernier espoir de maintenir sa spiritualité et son mode de vie. Aux heures les plus sombres de leur histoire, quand ils ont été soumis à l’assimilation forcée et confinés dans les réserves, nos ancêtres priaient pour que la Nation Bison survive. Les bisons du Yellowstone ont entendu nos prières et ils ont survécu afin que notre peuple vive », déclare un militant d’ITBC.
Source : « Indian Country Today » décembre 1997


Janvier 1998
UNE LETTRE DE Ms LITTLE THUNDER AU PRESIDENT CLINTON

Monsieur le Président,

J’appartiens à la tribu Sicangu (Brûlé) de la Nation Lakota. Je ne possède ni pouvoir, ni richesse, mais j’ai un important message à vous transmettre.
Historiquement, les bisons étaient essentiels à notre survie et étaient au centre de notre culture. Nous les considérions comme sacrés. Pour beaucoup de nos tribus, en particulier pour nos Anciens, leur massacre a été une terrible tragédie qui nous rappelait le massacre de notre peuple dans un passé pas tellement lointain.
Je suis la descendante des survivants de deux massacres. Le premier, celui de 1855 à Ash Hollow (Blue Water Creek), Nebraska, contre le village du chef Little Thunder, et le second à Sand Creek, Colorado, une dizaine d’années plus tard (°). Ce n’est pas là une situation exceptionnelle. Chaque nation indienne de ce pays garde d’obsédants souvenirs de massacres.
Au XIXème siècle, soixante millions de bisons ont été tués dans l’intention délibérée et parfaitement calculée d’affamer et de conquérir les nations indigènes. Les bisons ont été massacrés, nous avons été massacrés et maintenant les bisons le sont à nouveau. Comme sur la pièce de monnaie qui porte une tête de bison et une tête d’Indien, l’Indien et le bison sont synonymes, les deux faces d’une même pièce. Le bison et nous partageons une histoire commune que nous n’avons pas l’intention d’oublier. La sagesse acquise par des milliers d’années de vie au contact du monde naturel et d’interdépendance avec le bison nous a donné une croyance, une prophétie qui nous lie à lui en une inséparable destinée.
En tant que leader, vous pouvez comprendre que la responsabilité ne s’étend pas seulement à ceux qui vivent ici et maintenant, mais aussi aux générations futures. « A l’occasion de chaque délibération, nous devons considérer l’impact que telle décision aura sur la septième génération. » Telle était la préoccupation de nos chefs traditionnels.
La science reconnaît le bison comme l’une des espèces centrales pour l’écosystème, et le bison a le même rôle que nous dans le monde naturel qui nous assure à tous notre subsistance.[...] Nous avons déjà eu à connaître les conséquences de la disparition des bisons. C’est ce qui est en train d’arriver à nouveau. Une fois le rideau de fumée de la politique dissipé, vous trouverez la même violence que celle sur laquelle ce pays s’est construit. Monsieur le Président, ce ne sont pas simplement de lointains souvenirs familiaux. Je suis allée au Yellowstone, et cette violence, je l’ai vue.
Vous avez signé un décret présidentiel ordonnant à vos agences et à vos ministères de consulter les tribus sur toutes les questions qui les touchent. Les bisons ont pour nous une signification historique, culturelle et religieuse, et nous n’avons pas été utilement consultés à ce propos. Nous n’avons même pas participé à l’étude d’impact environnemental.
Vous devez honorer la relation de gouvernement à gouvernement que vous avez avec les tribus et les consulter sur le sort de nos bisons sacrés, votre symbole national.
Nous demeurons nombreux au Yellowstone, gardiens pacifiques mais déterminés des bisons. Ho, hecetu ! (Qu’il en soit ainsi !)
Dans « Indian Country Today » du 2 février 1998

(°) Massacre d’Ash Hollow perpétré le 5 septembre 1855 par les troupes du général Harney contre le village brûlé du chef Little Thunder - Massacre de Sand Creek, le 29 novembre 1864 contre les Cheyenne de Black Kettle par les troupes du colonel Chivington


Janvier 1998
NOUVEAUX MASSACRES AU YELLOWSTONE
Dans le journée du 28 janvier, Rosalie Little Thunder apprend que les services du Montana chargés des questions d’élevage (DOL) ont demandé à l’entreprise West Yellowstone Dump de lui préparer un emplacement dans une décharge pour y mettre des restes de bisons, ce qui veut dire qu’un abattage se prépare. Contacté par téléphone, le DOL dit qu’aucun abattage n’était prévu, mais reconnaît que deux bisons ont été tués parce que des conducteurs de motoneiges les ont percutés et blessés. Comme il est demandé pourquoi ce genre d’engin est autorisé dans l’aire des bisons, il est répondu que les communautés avoisinantes dépendent des revenus générés par les pratiquants de la motoneige. La porte-parole du DOL accuse alors Buffalo Nations, selon elle une organisation non indienne (? !) de chercher à déplacer les bisons et de gêner le service du parc.
Le lendemain, un collaborateur du gouverneur du Montana appelé au téléphone répond que six bisons ont été tués parce qu’ils avaient la brucellose. A la question : « Avaient-ils été testés pour cette maladie ? », il a répondu « oui ». Un appel au DOL révèle pourtant que les six bisons tués le 29 janvier n’avaient pas été reconnus porteurs de brucellose, n’ayant pas été testés, mais qu’ils avaient été abattus parce qu’ils se trouvaient sur une propriété privée, ce qui est tout à fait différent.
La manière dont les tests sont faits a été mise en cause. Les tests positifs révèlent simplement que l’animal possède des anticorps de la maladie, c’est-à-dire qu’il a été à un moment donné en contact avec la maladie. Pour savoir si l’animal est réellement malade, et éventuellement contagieux, il faut procéder à une culture de tissus, une procédure lourde et longue qui, on s’en doute, n’est jamais pratiquée. Des bisons, officiellement «testés positifs », ont été abattus simplement parce qu’ils s’étaient trouvés à un moment quelconque en contact avec le microbe de la brucellose.
Le DOL explique que c’est ainsi que l’on procède avec le bétail. Alors pourquoi faire autrement avec les bisons ? Pourquoi, en effet ? Parce que les bisons ne sont pas du bétail. D’abord, ce sont des animaux sauvages protégés par le statut du parc de Yellowstone fondé en 1872, justement pour la protection de la vie sauvage mise en danger par la colonisation blanche et le développement. Ensuite, parce que les bisons ont une importance historique, culturelle et spirituelle majeure pour les nations indiennes, une signification que n’a pas le bétail.
Le même jour, le DOL a abattu trois bisonnes et leurs petits. Ces trois femelles étaient déjà sur Horse Butte depuis deux mois sans qu’il y ait eu un incident quelconque. Deux d’entre elles portaient un collier électronique. Elles faisaient partie d’un projet conduit par les biologistes du parc pour étudier les migrations des bisons.
Dès l’aube du 29 janvier, des groupes de militants parcouraient Horse Butte à ski ou en motoneige. Quand les gardes ont mis les bisons en joue, un jeune volontaire venant du New-Hampshire a mis sa moto entre eux et les bisons. Il a été aussitôt arrêté. Mr. Mease a été empêché de filmer et sa caméra confisquée alors qu’il voulait prendre des photos des carcasses de bisons déposées dans la décharge de West Yellowstone. Quelques jours plus tard, un autre volontaire s’est enchaîné à une remorque. Il a été inculpé d’obstruction. Tous les trois ont été conduits à la prison de Bozeman. Il y a eu, à ce jour, cinq arrestations parmi les volontaires, Indiens et non-Indiens, qui montent la garde auprès des bisons sur la limite du parc où sont abattus les animaux qui ont le malheur de poser un sabot au Montana. Ces jeunes volontaires, qui se battent pour ce à quoi ils croient, ont été très choqués par ce qu’ils ont vu.
« On n’était pas habitués à cela, c’était pour nous un choc. Les bébés bisons étaient si petits ! Les bisons sont victimes d’une politique de malades ! Quand les agents du DOL tiraient, ils riaient et se moquaient de nous », dit en sanglotant Rosalie Little Thunder. Le shérif Bob Pierson appelle les militants de Buffalo Nation des « terroristes environnementaux ».
Une semaine avant que les six bisons soient abattus, des employés de DOL avaient répandu du foin afin d’attirer des bisons vers un enclos. Sur les neuf bisons capturés, cinq mâles avaient été testés positifs à la brucellose et abattus. Rappelons qu’un animal testé positif n’est pas forcément malade et contagieux, mais seulement qu’il a été en contact avec l’agent infectieux de la brucellose. On abat donc quantités de bisons non-contagieux. Des biologistes affirment que les jeunes bisons ne peuvent être porteurs de la maladie et que les tuer est un scandale. Aucun cas de contagion du bison au bétail n’a été enregistré. C’est le bétail européen qui a contaminé les bisons au XIXème siècle.
Larry Peterson, directeur du DOL du Montana, dit qu’il doit agir ainsi pour que le Montana puisse conserver son label d’Etat « exempt de brucellose ». La perte de ce label interdirait aux éleveurs d’exporter leur bétail hors du Montana.
Les militants de Buffalo Nation et les écologistes sont, on s’en doute, très mal vus par les éleveurs de la région. Une jeune femme qui s’était jointe à Buffalo Nations a trouvé l’essieu d’une des roues de sa voiture desserré. L’un des volontaires, Bryce Smedley, ayant pénétré sur une propriété privée où était installé un enclos de capture, a vu le propriétaire lui foncer dessus avec sa voiture. Il a été renversé et a eu un pied écrasé. Mr. Smedley a porté plainte contre son agresseur, qui a lui-même porté plainte contre Mr. Smedley pour intrusion sur sa propriété. Larry Peterson déclare que si des gens se plaignent d’intrusions sur leur propriété, il est normal que la police intervienne.
Mr. Mease s’insurge contre cette répression : « Buffalo Nations a la ferme intention de sauver les bisons de manière non-violente. Peut-être empiétons-nous sur des propriétés privées, mais nous ne menaçons personne. Notre travail est de protéger les bisons des actions de ceux qui tiennent absolument à les tuer. Nous resterons ici jusqu'à ce que le statut d’animaux sauvages libres soit reconnu aux bisons, que leur protection soit assurée et qu’ils ne soient plus menacés par le DOL. Nous voulons sauvegarder l’héritage de nos enfants ».
Une large campagne de vaccination du bétail et des bisons devrait être entreprise pour éradiquer la maladie. Cela coûterait 6 dollars par animal. Est-ce que la vie d’un bison ne vaut pas 6 dollars ?
Jusqu’ici, à la demande d’ITBC, la viande des bisons abattus par le DOL ou par les rangers du parc était partagée entre des organisations charitables et les tribus indiennes de la région. Mais depuis l’hiver dernier, les Indiens ont cessé de demander à recevoir de la viande ou quoi que ce soit provenant des bisons abattus. Cela aurait pu être interprété comme une approbation des massacres. « Il ne faudrait pas qu’ils utilisent ces distributions pour justifier les abattages. Nous voulons bien faire comprendre que, pour le peuple indien, les bisons vivants ont plus de valeur », déclare Carla Brings Plenty. L’hiver dernier, une partie de la viande, ainsi que les peaux et les têtes, très recherchées comme « trophées », avaient été vendues aux enchères par la direction du parc.
Sources : Informations Internet janvier 1998 et « Indian Country Today » février 1998


LA « GUERRE DE L’OUEST » AU MONTANA
Il pourrait bien y avoir des raisons politiques et même idéologiques à la haine que les éleveurs du Montana portent aux bisons (et pas seulement aux bisons ....)
Une biologiste spécialiste de la vie sauvage écrivait récemment dans le Bozeman Daily Chronicle : « L’abattage des bisons du parc de Yellowstone par le DOL du Montana est, dans une large mesure, une forme de vengeance et une manifestation d’hostilité des éleveurs de l’Ouest envers le gouvernement fédéral et les mouvements écologistes. Les éleveurs sont engagés dans la « Guerre de l’Ouest » et nous assistons actuellement à la « bataille de la brucellose ». Ce qui est en cause, ce n’est pas la maladie, c’est la présence du bison, c’est la possession des pâturages, c’est le sentiment qu’ont ces éleveurs d’être menacés. La maladie n’est qu’un prétexte pour tuer des bisons ». Dans le contexte politique et social que connaissent actuellement les Grandes Plaines de l’Ouest, et tout particulièrement le Montana, cette explication est hautement vraisemblable.
On se souvient des « Free Men » du Montana qui ont résisté durant deux mois aux forces fédérales dans un ranch durant l’été 1996. Que veulent ces gens ? Ils accusent l’Etat fédéral d’oppression et, avant tout, ils refusent de lui payer des impôts. Ils rejettent toute tentative fédérale de limiter la possession d’armes à feu qui est pour eux un droit constitutionnel. Ils se considèrent comme totalement souverains et indépendants sur leurs ranchs, des propriétés qu’ils tiennent de leurs grand pères qui les ont créées à la fin du XIXème siècle aux dépends des terres indiennes. Ils veulent que l’Ouest demeure tel qu’il était il y a cent ans, à l’issue de la Conquête de l’Ouest - sans bisons, sans loups, et autant que possible, sans Indiens. Ils encouragent l’abattage des bisons, ils s’opposent à toute réintroduction du loup et, en ce qui concerne les Indiens, ils savent qu’ils peuvent compter sur les élus républicains au Congrès.
Il y a quelques mois, la Gazette de Billings, un journal au lourd passé anti-indien, publiait une série d’articles sur la souveraineté tribale qui laissaient entendre que l’existence de nations indiennes souveraines était « anti-américaine » et créait la division et l’inégalité parmi les citoyens américains.
L’exemple des Crow qui ont une réserve au sud-est du Montana est très éclairant et très inquiétant pour la souveraineté de toutes les nations indiennes des Etats-Unis. La question était de savoir si la Nation Crow avait le droit de réglementer la chasse et la pêche sur les propriétés privées des non-Indiens dans les limites de sa réserve. L’état du Montana prétend que c’est à lui de faire cette réglementation. Une cour d’appel avait soutenu la position de la tribu, mais la Cour Suprême des Etats-Unis vient de donner raison au Montana, bien que les Crow aient fait valoir qu’ils avaient, par les traités de Fort Laramie de 1851 et de 1868, le droit exclusif d’occuper et d’utiliser leur réserve et d’en exclure tous les non-Indiens indésirables.
Pour rendre son arrêt favorable au Montana, la Cour s’est appuyée sur la loi de Lotissement Général des Terres Indiennes de 1887 (loi Dawes) qui partageait les terres tribales en propriétés privées et de fait annulait les traités. Au début du XXème siècle, les Indiens avaient été autorisés (on devrait dire poussés) à vendre leurs propriétés à des Blancs. C’est ainsi que 30% des terres crow sont passées entre les mains des Blancs. Pour les mêmes raisons, les Yankton, au Dakota du Sud, sont menacés de perdre 90% de leur réserve.
Source : « Indian Country Today » février 1998


Décembre 1998
BISONS SUR LES RESERVES INDIENNES
Trente cinq nations indiennes avaient, à la fin des années 1990, des troupeaux de bisons sur leur réserve, pour la plupart affiliées à ITBC, et ce nombre s’accroît constamment.
Oglala Lakota College (OLC) le collège de la Nation Oglala, réserve de Pine Ridge, offre depuis l’automne 1998 un programme d’étude appelé Tatanka (Bison). Il s’agit de former des gestionnaires des troupeaux de bisons de la tribu. Ce programme fait partie d’un projet plus vaste élaboré par dix collèges tribaux des Plaines du Nord. Les enseignants estiment que les programmes créés sur le thème du bison répondent parfaitement aux besoins éducatifs et culturels, et également économiques, des étudiants indiens. Bien que Tatanka soit un cursus scientifique, Ms. Ecoffey, le professeur chargé de cette classe, fait souvent appel aux experts en culture lakota qui enseignent au collège. Ils partagent avec les étudiants les chants et les cérémonies de la tribu qui expriment la spiritualité traditionnelle vis-à-vis du bison. Durant ces cérémonies, les bisons ne sont pas des animaux, mais la « Nation Bison ».
« De plus en plus de collèges tribaux offrent ce genre de cursus. Nous espérons pouvoir donner au peuple indien les outils culturels et académiques nécessaires pour faire de la restauration du bison sur les réserves une réussite », dit Louis LaRose, un Winnebago du Nebraska directeur du programme. Chaque cursus comporte des cours d’agriculture, de gestion des pâturages, de restauration des prairies et de nutrition du bison. Les collèges tribaux espèrent un jour conduire les travaux sur l’étude et la restauration du bison au niveau national.
L’élevage et la commercialisation du bison peuvent être très rentables. Le prix du bison est deux à trois fois celui du boeuf. La viande de bison est moins grasse et moins chargée en cholestérol que le bœuf ou même le poulet. Maretta Champagne, la nutritionniste de la tribu oglala, pense que la consommation de viande de bison pourrait aider à diminuer le taux élevé de diabète et de maladies cardiaques que connaît la réserve de Pine Ridge. « Nous n’avions pas ces problèmes de santé quand notre régime alimentaire était sain et basé sur le bison ».
« Il y a une grande différence entre les diverses façons de considérer les bisons », dit Louis LaRose. Elever des bisons pour répondre aux besoins culturels et spirituels d’une tribu, ce n’est pas la même chose que de les élever pour des raisons commerciales. La commercialisation du bison est un sujet de controverse entre Indiens ».
Etant donné le besoin urgent de développement économique que connaissent les réserves, beaucoup de tribus pensent s’orienter vers une production commerciale. Mais une production de quelle nature ? La plupart des tribus sont en faveur d’un pâturage libre, le plus près possible de l’état naturel, plutôt que de l’utilisation de parcs de nourrissage. La question de l’abattage des bisons pose aux Indiens des problèmes matériels, mais surtout éthiques. En 1997, une subvention du ministère a permis aux Lakota de Cheyenne River d’acheter un abattoir mobile afin d’abattre directement les bisons dans la prairie. C’est la manière la plus « traditionnelle », la plus respectueuse et la moins traumatisante pour les bisons, leur évitant l’horreur de la capture, du transport et de la mort dans un abattoir. Des étudiants du collège tribal d’Eagle Butte ont appris à l’utiliser.
Les collèges tribaux comptent engager une étude sur la brucellose, la maladie associée aux bisons du parc de Yellowstone. « Dans nos collèges, la recherche sur la brucellose sera conduite pour sauver les bisons. Dit Mr. LaRose. « Les autorités veulent considérer les bisons comme du bétail, mais ce serait comme si l’on confondait un Indien avec un homme blanc !»
Source : « Indian Country Today » du 28 décembre 1998


Février 1999
MARCHER POUR LA NATION BISON
En ce mois de février 1999, les Indiens des Plaines du Nord ont voulu, par une marche et une chevauchée de plus de sept cents kilomètres, montrer leur solidarité avec la nation bison. Partis de Rapid City le 6 février, ils ont atteint le 27 la petite ville de Gardiner, sur la limite nord du parc de Yellowstone. C’est à cet endroit que plus de 1 100 bisons avaient été abattus dans l’hiver 1997.
Ces deux derniers hivers, les abattages des bisons qui sortent du parc à la recherche de pâturages ont été relativement limités, grâce à la vigilance et aux actions sur place de militants indiens et écologistes dévoués à leur protection. « C’est ce que j’appelle de l’activisme spirituel », déclare Rosalie Little Thunder. « J’y travaille depuis déjà deux ans, et je pense que les tribus ne réagissent pas assez à ce problème. Je ne pense pas que cela soit de l’indifférence, mais plutôt la difficulté de savoir quoi faire, quelle stratégie adopter. J’ai assisté à des cérémonies, et les gens priaient réellement pour les bisons et ils comprenaient bien que tout ceci, tous ces massacres, étaient, en fait, dirigé contre nous ».
Ms. Little Thunder croit aux actions de terrain, comme celles où des Indiens venant de plusieurs états des Plaines se rassemblent pendant un week-end à l’entrée principale du parc pour prier pour les bisons. Elle pense que ce type d’engagement conduira finalement à des résultats. « Quand on a voyagé et rencontré des gens et participé avec eux aux cérémonies spirituelles, on rapporte chez soi cette notion de dévouement et d’unité ».
Le groupe d’une cinquantaine de marcheurs était conduit par l’homme médecine Joe Chasing Horse, Lakota de Rosebud. « Certains d’entre nous ont suivi des rêves, certains ont suivi leurs visions, d’autres ont suivi la voie de leurs ancêtres, tandis que nous marchions avec le « paquet médecine », porté par Rosalie Little Thunder. Un groupe de trois cavaliers précédait les marcheurs. A leur tête chevauchait Nathan Chasing Horse (°) aux côtés des Crow Tommy Hall et John Real Bird. Le long et difficile parcours ne s’est pas déroulé sans incidents. Près de la ville de Columbus, au Montana, les Indiens ont été victimes d’actes de malveillance. De jeunes Blancs dans une camionnette ont suivi les marcheurs en les accablant d’injures racistes.
Plusieurs participants ont voulu marquer leur dévouement à la nation bison par un sacrifice semblable à celui qui a lieu durant la Danse du Soleil. Un Hunkpapa, Gary Silk, a traîné deux crânes de bison attachés à ses épaules autour d’un cercle de deux cents personnes jusqu’à ce que les chevilles de bois s’arrachent de sa chair. Ensuite, des jeunes hommes et femmes ont fait des offrandes de la chair de leurs bras.
« Nous savons que la seule chose que nous pouvons donner, c’est notre propre sang, notre propre chair. C’est notre liberté de religion qui nous est soi-disant garantie par la Constitution, mais qui nous a été déniée depuis plus de cent ans », déclare Joe Chasing Horse. « C’est ainsi que nous honorons le peuple bison qui nous a donné une part de lui-même depuis le commencement des temps. Les bisons ont longtemps versé leur sang pour nous, et maintenant, nous versons notre sang pour eux. Nous avons parcouru des centaines de kilomètres sur la terre de nos grands parents. Je suis venu ici parce que vous êtes tous mes frères et mes soeurs, peu importe votre couleur. Notre sang à tous est rouge. »
Plus de cent personnes, essentiellement des Indiens des tribus du nord, Lakota, Crow, Cheyenne, Arapaho, Nez Percé, Ute, attendaient les marcheurs à Gardiner. Après les offrandes et les prières conduites par Joe Chasing Horse, un banquet a été organisé.
Laura Joss, directrice des ressources culturelles pour le Service des Parcs Nationaux, qui a autorisé les Indiens à conduire leurs cérémonies sur le territoire du parc, considère que cette marche peut changer les choses pour les bisons. « Je pense qu’il y a une prise de conscience accrue, aussi bien au niveau national qu’au niveau local, et je sais que de plus en plus de tribus y participent. » Ms. Joss sent que l’intérêt pour les bisons a atteint maintenant un haut niveau. « Nous avons tous été étonnés que vous passiez ainsi de la parole aux actes », a-t- elle dit aux marcheurs indiens. « Nous apprécions vos prières pour les bisons. Je sais qu’à cause des nouveaux contacts que j’ai eu et des liens que j’ai noué, je vais devoir changer mon programme ».
Source : « Indian Country Today » mars 1999.
(°) Nathan Chasing Horse, qui a maintenant une vingtaine d’années, s’est fait connaître dans le rôle de Smiles A Lot de « Danse Avec Les Loups », et de Joseph Brant jeune dans « The Broken Chain »


Octobre 1999
BISONS DU PARC DE YELLOWSTONE : QUEL AVENIR ?
A l’occasion de plusieurs réunions, le projet de gestion du troupeau de bisons du parc de Yellowstone établi par le Service des Parcs Nationaux a été soumis pour enquête publique aux associations écologiques, aux tribus indiennes et à toutes les personnes concernées. La période de consultation avait été prolongée afin de permettre aux diverses propositions de s’exprimer, notamment celles des nations indiennes qui souhaitaient présenter un projet précis et responsable. C’est à la dernière réunion d’information que l’opposition la plus vive s’est manifestée. Deux cents Indiens venant des Plaines du Nord s’étaient rassemblés pour dire « Arrêtez les massacres ! ».
Le plan élaboré par le Service des Parcs se propose de limiter à 2 500 le nombre de bisons du parc de Yellowstone. Pour atteindre cet objectif, il compte autoriser des chasses « sélectives », abattre les animaux testés positifs à la brucellose et surtout continuer à tuer systématiquement tout animal sortant du parc à la recherche de pâturages. Il entend donc continuer à appliquer la même politique désastreuse.
Le conseil tribal oglala vient de voter une résolution déclarant : « En l’absence d’une quelconque preuve scientifique d’un risque de contamination du bison au bétail, la Nation Oglala considère les récents abattages de bisons comme politiquement motivés et non scientifiquement justifiés, tout comme l’avaient été les massacres du XIXème siècle. ». Une semblable déclaration a été approuvée par les Nations Yankton, Brulé et Santee du Dakota du Sud, ainsi que par les Chippewa du Minnesota.
A première conférence nationale d’ITBC tenue à Denver, Vine Deloria Jr., écrivain et juriste bien connu, avait déclaré : « Votre peuple est en train d’accomplir une chose très importante en faisant revenir le bison. Cet animal possède un immense pouvoir. Vous êtes en train de changer quelque chose dans les Grandes Plaines. C’est là une énorme responsabilité ».
Les Oglala ont offert des pâturages pour mettre en observation les bisons du parc. « Il est à nos yeux inutile de les mettre en quarantaine, mais si cela peut satisfaire le Service des Parcs, nous le ferons ». Les Oglala proposent d’accueillir une réunion inter-tribale pour discuter du problème des bisons du parc de Yellowstone.
Les tribus indiennes qui considèrent le bison comme un élément majeur de leur culture et de leur spiritualité veulent que leur voix soit entendue en ce qui concerne le sort des bisons. Dans une lettre au ministre de l’intérieur, Ron Allen, président du Congrès National des Indiens d’Amérique, écrit : « Comme vous le savez, le décret présidentiel de 1994 sur les relations de gouvernement à gouvernement avec les nations indiennes exige que des consultations soient menées à ce sujet avec les tribus. De plus, la loi sur la politique nationale concernant l’environnement stipule qu’une attention particulière soit accordée à l’avis des tribus reconnues au niveau national ».
Les suggestions élaborées par les tribus sont les suivantes :
1- Une étude scientifique des risques de contamination par la brucellose du bison au bétail doit être conduite.
2- Le Service des Parcs Nationaux doit adopter une politique d’acquisition de territoires supplémentaires afin d’assurer la viabilité à long terme du troupeau du parc de Yellowstone.
3- Le Service des Parcs Nationaux doit se soumettre aux lois fédérales en réservant en priorité à la vie sauvage les territoires qui ont été désignés à cet usage. Il doit accomplir un premier pas vers la résolution du conflit en retirant le bétail des zones réservées à la vie sauvage.
4- Le Service des Parcs Nationaux doit mettre un moratoire sur tout abattage de bisons du parc de Yellowstone jusqu'à ce que les conditions ci-dessus aient été remplies et un dialogue établi à propos de l’avenir du dernier troupeau de bisons sauvages de la nation.
ITBC, qui s’insurge contre le projet de la direction du parc de Yellowstone de réduire le troupeau grâce à des abattages dits « de régulation », demande à ses sympathisants de soutenir les options suivantes :
1/ Les bisons du parc sont des animaux sauvages et libres et ils doivent être traités comme tels
2/ Les bisons doivent avoir accès sans restriction aux terres publiques entourant le parc.
3/ Plutôt que d’être abattus, les bisons en excès doivent être offerts aux nations indiennes qui en font la demande afin de reconstituer leurs troupeaux.
Pour soutenir ces propositions, on peut écrire à : Bison Management Plan EIS Team
National Parc Service - Sarah Bransom DCS-Rp - PO Box 25287 Denver CO 80225-0287 Sur Internet, aller sur le site de « National Wildlife Federation » www.nwf.org et cliquer sur « for buffalo recovery ». Stand up for the Buffalo Nation !
Le troupeau de bisons du parc de Yellowstone descend de ce qui restait des soixante millions de bisons qui vivaient dans les Grandes Plaines avant les massacres perpétués au XIXème siècle afin de faire place aux colons blancs et à leurs bovins, mais aussi dans l’intention clairement exprimée d’affamer les tribus indiennes qui résistaient à l’invasion blanche. Seulement quelques dizaines de .bisons avaient survécu au massacre à la fin du XIXème siècle. Quelques uns avaient été amenés sur le parc de Yellowstone en 1894.
« Nous partageons avec le bison la même histoire tragique. Nos prophéties nous disent que nos destins sont inséparables » dit Rosalie Little Thunder.
Il y a aussi des raisons écologiques au maintien des bisons. Quand les bisons étaient plus nombreux, l’équilibre du monde naturel était complet et diversifié. « Tuer les bisons est écologiquement, génétiquement aussi bien que spirituellement une faute », dit Winona LaDuke, Chippewa de White Earth et directrice du projet « Honor the Earth »
Source : « Indian Country Today » octobre 1999


Septembre 2001
UN MILLION D’ACRES POUR LES BISONS ?

Dès 1987, Frank et Deborah Popper, tous deux enseignants à l’Université du New-Jersey, avaient lancé l’idée d’implanter des bisons sur un large territoire d’un seul tenant au cœur des Grandes Plaines, leur domaine naturel. Se basant sur le déclin de la population de ces régions, ils proposaient au gouvernement fédéral d’acquérir pour cela des terres abandonnées par les fermiers et les éleveurs. Frank Poppers est maintenant membre du « Great Plains Restoration Council », une association à but non-lucratif basée à Denver, qui se propose de créer un « Buffalo Commons » qui pourrait inclure à la fois des terres publiques et privées.
Les Popper avaient irrité certains habitants du Dakota du Nord quand, à la fin des années 1980, ils avaient suggéré que l’ensemble de l’Etat soit transformé en réserve écologique. Ils soutenaient que la mise en culture des Plaines avait été une faute, dont le déclin progressif des fermes et des petites villes était la preuve. Ces terres devaient donc être utilisées à d’autres fins, la préservation de la faune et de la flore indigènes.
Le Conseil s’efforce de recueillir de l’argent pour acheter des terres, mais il travaille aussi avec des propriétaires privés, des tribus indiennes et les élus locaux pour constituer ce territoire d’un seul tenant d’une superficie d’un million d’acres (400 000 hectares).
Le projet, appelé « One Million Acre » a reçu le soutien de la nation brulé lors d’une réunion tenue le 20 août 2001 sur la réserve de Rosebud, la première nation indienne à s’y engager. « Le soutien de la tribu à ce projet est extrêmement important », dit Poppers.
Rosalie Little Thunder, connue pour son engagement militant envers les bisons et membre du Conseil, a déclaré que le projet bénéficie d’un fort soutien de la population de la réserve. Chuck Bull Bear, chargé de la préservation de la faune sauvage pour la Nation Brulé, parlant au nom de la tribu, estime que le projet du Conseil rejoint celui des Brulé d’accroître leur propre troupeau de bisons. La tribu pourrait faire bénéficier le Conseil de son aide technique et de son expérience en ce domaine.
Edward Valandra, professeur d’ethnologie vivant au Minnesota, un Brulé siégeant également au Conseil, qui avait rédigé une thèse sur la restauration du bison dans son milieu naturel, qualifie de « restauration spirituelle et culturelle » le projet du Conseil.
Le Conseil doit décider maintenant où installer le territoire des bisons. Selon le démographe Dan Fosha, il pourrait s’agir des Dakotas du Nord et du Sud. Les membres du bureau ont passé neuf jours à examiner des cartes rendant compte de la densité de la population et de son évolution probable. Le Conseil recherche des terres non cultivées, aussi proches que possible de l’état naturel, une prairie d’herbe rase. Selon le projet originel établi par Popper, le « Buffalo Commons » devrait être une bande de terre s’étendant du Mexique au Canada, ne comportant aucune clôture, sauf autour des zones habitées.
La position des Popper est très controversée depuis le début des années 1990. Certains pensent qu’ils veulent chasser les fermiers et les éleveurs des Grandes Plaines. Jarid Manos, directeur exécutif du projet « One Million Acres » dit qu’il ne peut être imposé par la force. « Nous n’avons pas ce pouvoir. Nous sommes seulement des gens qui travaillons ensemble ».
Site Internet à consulter : Great Plains Restoration Council : www.gprc.org
Sources : « News From Indian Country », septembre 2001


ANNEXE

BISON : (bison bison)
Bovidé sauvage des grandes plaines d’Amérique du Nord. Indissociable de la culture des Indiens des Plaines qui en tiraient l’essentiel de leurs ressources, il a été, à la fin du XIXème siècle, très près de l’extinction.
Le bison est le plus gros animal du continent américain. Haut de 1,80m, certains mâles peuvent dépasser une tonne. Caractérisé par son aspect massif, il présente une bosse sur le garrot. Le poil qui recouvre la tête, le cou et les pattes avant est plus long et plus sombre que celui du reste du corps. Les cornes sont courtes, pointues et recourbées vers l’avant. La femelle est plus petite que le mâle. Elle donne naissance à un seul petit après une gestation de neuf mois. Le veau, que sa mère allaite pendant un an, présente à la naissance un poil plus roux que celui des adultes, mais au bout de quelques semaines, il acquiert sa couleur définitive.
 Avant l’invasion du continent américain par les Européens, le bison occupait une grande partie de l’Amérique du Nord. A l’ouest, il atteignait les premiers contreforts des Montagnes Rocheuses. A l’est, quelques troupeaux vivaient dans les prairies verdoyantes entre les Appalaches et la côte. On trouvait des bisons dans le nord du Sonora, au Mexique. Mais le domaine de prédilection du bison était la Grande Prairie, l’océan d’herbe qui s’étend au centre du continent nord-américain. On a estimé leur nombre, au début du XIXème siècle, à environ soixante millions.
 Le bison est totalement lié à la culture des Indiens des Plaines. Avec le cheval et le tipi, il en est le trait le plus caractéristique.
Les Indiens chassaient le bison probablement depuis des millénaires. Dépourvus de chevaux, ils le traquaient à pied. Ils poussaient les troupeaux vers des falaises abruptes d’où les animaux tombaient et se tuaient, ou bien ils les dirigeaient vers des enclos dans lesquels ils les abattaient à l’arc ou à la lance.
Avec l’apparition du cheval, les Indiens se sont déplacés en grand nombre vers les plaines à bisons. Ils ont pu alors mener des chasses plus faciles, mais aussi plus sélectives, ne tuant que le nombre de bêtes nécessaire. Pour les Indiens des Plaines, l’association cheval/bison est devenue un trait culturel majeur.
 Le bison fournissait aux Indiens pratiquement tout ce qui était nécessaire à leur vie. La peau, soigneusement tannée par les femmes en utilisant la cervelle et la moelle, servait à recouvrir les tipis et à fabriquer des couvertures confortables, des vêtements et des sacs solides. Le cuir de l’encolure, particulièrement épais et résistant, fournissait les boucliers.
La viande, maigre et riche en protéines, pouvait être consommée fraîche, rôtie ou bouillie, associée à des légumes ou des fruits sauvages. Le plus souvent coupée en tranches minces et séchée au soleil, puis réduite en poudre et mélangée à de la graisse et à des fruits, la viande de bison constituait une conserve très nourrissante qui permettait aux familles indiennes de tenir durant les longs et rigoureux hivers.
Aucune partie de l’animal n’était négligée. Les cornes devenaient des louches, les poils tressés de la ficelle, les tendons, des cordes d’arc ou du fil à coudre. Avec les sabots bouillis, on faisait de la colle. Avec la vessie et les intestins, on fabriquait des outres pour transporter l’eau. Avant que les Indiens n’acquièrent des ustensiles de métal auprès des Blancs, c’est l’estomac du bison qui servait de marmite : une panse remplie d’eau était suspendue à un trépied ; on y mettait alors des pierres brûlantes, ce qui portait rapidement l’eau à ébullition, permettant d’obtenir de l’eau chaude ou de faire cuire la viande. Selon leur taille et leur dureté, les os se transformaient en aiguilles, pelles, couteaux, grattoirs, pointes de flèches, casse-tête, ornements ou instruments de musique. La bouse séchée servait de combustible dans des régions souvent dépourvues de bois.
Les Indiens des Plaines considéraient l’esprit du bison comme l’une des plus puissantes manifestations du Grand Esprit. Pour les Sioux-Lakota, le bison était la représentation terrestre du pouvoir du soleil.
 Les colons européens qui traversaient les Plaines ont chassé le bison d’abord pour leur consommation, puis pour nourrir les équipes de travailleurs qui construisaient les voies ferrées. On a parié sur celui qui abattrait le plus de bisons en un temps donné. C’est à ce jeu que s’est illustré William F. Cody et qu’il a gagné son surnom de Buffalo Bill. Le nombre des bisons semblait infini. Il arrivait que des trains soient, pendant des heures, bloqués par le passage des troupeaux. Vers 1870, des chasses « sportives » ont fait leur apparition. Le sport consistait souvent pour les voyageurs à abattre les bisons par la fenêtre d’un train. Des présidents, des princes venant d’Europe prenaient plaisir à ces chasses.
Les bisons ont été massacrés pour leur peau, pour leur langue, morceau de choix. On laissait des milliers de tonnes de viande pourrir sur les prairies. Les Indiens, dont la vie matérielle et spirituelle dépendait du bison, se sont inquiétés, puis indignés, puis révoltés.
 Les généraux américains ont vite compris que la disparition des bisons entraînerait rapidement celle des Indiens libres. La chasse au bison, devenue machine de guerre, a été fortement encouragée au plus haut niveau. Il s’agissait de « détruire l’intendance des Indiens ».
Dès 1867, le général William T. Sherman définissait ainsi la politique indienne des Etats-Unis : « D’abord, régler son compte au bison ... Ensuite, régler leur compte aux Indiens. Les concentrer dans des réserves ». En 1874, il précisait, en parlant des chasseurs de bisons : « Qu’on les laisse tuer et écorcher les bisons jusqu’à ce qu’il n’y en ait plus, puisque c’est là le seul moyen d’apporter une paix durable et de permettre à la civilisation de progresser dans ce pays ».
Cheyenne, Kiowa, Comanche et Arapaho mouraient de faim sur les réserves du Territoire Indien, tandis que des chasseurs blancs poursuivaient le massacre des bisons dans les Plaines du Sud. Vers 1875, le grand troupeau du sud marquait un net déclin. En 1878, il était entièrement anéanti. Au début des années 1880, les bisons avaient pratiquement disparu des Plaines du Nord.
Pour les Indiens, le traumatisme causé par cette disparition était immense. Ils n’avaient pas seulement perdu le moyen de mener leur vie libre de chasseurs, mais leur univers spirituel s’était effondré.
 En 1883, le bison est réputé éteint en Amérique du Nord. Quelques dizaines de bêtes ont cependant été retrouvées dans des lieux isolés à la fin du siècle, permettant à l’espèce d’être sauvée d’extrême justesse.
En 1894, des bisons sont installés sur le parc national de Yellowstone ouvert au Wyoming en 1872. En 1902, le Congrès accordait cinquante mille dollars pour la protection et le développement de ce troupeau. Quelques années plus tard, le président Theodore Roosevelt créait la « National Bison Range » au Montana, sur la réserve Flathead, menant une action de protection très efficace.
Aujourd’hui, si les bisons ne sont que quelques milliers au Canada, où le climat est trop froid et humide, ils sont près de 100 000 aux Etats-Unis. La plupart vivent dans des parcs nationaux où leur nombre augmente rapidement, créant des problèmes de surpâturage et d’évasions. Les gardes des parcs doivent procéder tous les ans à des abattages. Le troupeau du parc de Yellowstone a connu, durant l’hiver 1997, des abattages massifs de la part des autorités de Montana, réduisant de près de moitié de nombre de bisons du parc et soulevant les protestations indignées des Indiens.
 Depuis quelques années, les Indiens veulent réimplanter les bisons sur leurs réserves. Des associations indiennes qui regroupaient, au début des années 2000, quarante sept nations indiennes des Plaines, du Sud-Ouest et d’Oklahoma, aident à l’achat, au transport et à la gestion des troupeaux. Les Indiens demandent, généralement sans succès, que les bisons en surplus sur les parcs nationaux leur soient donnés. Plusieurs milliers de bisons vivent sur des ranchs privés.
La réappropriation du bison par les Indiens est un élément déterminant de la renaissance de leur culture et de leur spiritualité. Ils comptent également en tirer un bénéfice économique, d’abord pour leur consommation interne, puis par la commercialisation des peaux et de la viande, excellente, diététique et parfaitement naturelle.

Recherche documentaire et rédaction du dossier : Monique Hameau


CONTENUS

Avril 1997
LES BISONS SONT SACRES

Juin 1997
LA COURSE DE LARRY HAND BOY

Septembre 1997
IL FAUT EMPECHER DE NOUVEAUX MASSACRES

Décembre 1997
ENCORE DES MASSACRES DE BISONS CET HIVER ?

Décembre 1997
« NOUS SOMMES LA NATION BISON ! »

Janvier 1998
UNE LETTRE DE ROSALIE LITTLE THUNDER AU PRESIDENT CLINTON

Janvier 1998
NOUVEAUX MASSACRES AU YELLOWSTONE

Février 1998
LA « GUERRE DE L’OUEST » AU MONTANA

Décembre 1998
BISONS SUR LES RESERVES INDIENNES

Février 1999
MARCHER POUR LA NATION BISON

Octobre 1999
BISONS DU PARC DE YELLOWSTONE : QUEL AVENIR ?

Septembre 2001
UN MILLION D’ACRES POUR LES BISONS ?

ANNEXE
Le bison

1 commentaire:

gainesaase a dit…

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