mardi 11 novembre 2008

Art lakota

L’ART DES LAKOTA Chez les Lakota, l’art n’était pas séparé de l’existence humaine. Il en était l’expression, Il apportait la beauté dans la vie de la personne, la valorisait socialement et la reliait de manière symbolique aux pouvoirs de l’univers dans lequel elle était plongée. L’art le plus admiré chez les femmes lakota était celui de la broderie. La peau brodée ornait les vêtements, les mocassins, les berceaux, les sacs, les selles de chevaux. Le tannage indien, fait avec un mélange de cervelle et de moelle, fruit du dur labeur des femmes, donnait des peaux résistantes à l’eau, légères et souples qui pouvaient être travaillées avec des aiguilles d’os et du fil fabriqué à partir de tendons, avant l’introduction des aiguilles d’acier. S’ajoutant à la décoration de coquillages, de griffes, de dents d’élan qui ornaient les robes de femmes, la broderie typique des Plaines était faite en piquants de porc-épic, un art appelé woskapi en lakota. Les piquants étaient teints à l’aide de différents végétaux. Les couleurs plus courantes étaient le jaune, le rouge, le vert et le brun. Les teintures naturelles ont été remplacées dans la seconde moitié du XIXème siècle par les teintures chimiques d’origine européenne qui donnaient des teintes plus variées et plus vives. La technique la plus simple était le point droit, consistant à coudre des piquants côte à côte pour obtenir des rectangles et des carrés, produisant un effet de bandes ou de damiers. En dégradant la largeur des bandes, on obtenait des losanges ou des triangles, souvent disposés en escaliers. Le point croisé donnait un effet de minuscules carrés. Des bandes brodées étaient posées sur les épaules des chemises, le long des manches, des guêtres. Les mocassins étaient souvent entièrement brodés. Quand le vêtement était usé, les éléments décoratifs étaient récupérés et montés sur un vêtement neuf. Abandonné à la fin du XIXème siècle par la plupart des tribus au profit des perles obtenues auprès des marchands blancs, le woskapi s’est maintenu chez les Lakota où il est de nos jours pratiqué aussi bien par les hommes que par les femmes. Depuis une vingtaine d’années, de jeunes artistes se sont formés à cet art ancien. Les productions de grande qualité des familles Lammers, Red Bear, One Star et Blue Legs sont très appréciées des collectionneurs. DU PIQUANT A LA PERLE C’est à la fin du XVIIème siècle qu’apparaissent les « pony beads » apportées par des marchands et très recherchées des Indiens. Ces perles de couleur bleue, blanche ou noire n’étaient utilisées que pour souligner un travail en piquants de porc-épic. L’apparition vers 1850 des « seed beads », petites perles de couleurs variées, fait littéralement exploser l’art du perlage dans les Plaines, permettant de réaliser des motifs très colorés. Les perles sont substituées aux piquants pour réaliser les motifs géométriques du woskapi. On voit des losanges, des croix, des triangles disposés en escaliers et en forme de sabliers, des motifs en oreilles ou en fourches. Ces formes représentent de manière stylisée des éléments du monde naturel ou spirituel : montagnes, rivières, arbres, étoiles, plumes, pipes. Les femmes possèdent leurs propres modèles de broderie acquis lors de visions et qu’elles sont seules à pouvoir utiliser. Au milieu du XIXème siècle, les aiguilles d’acier et le fil de lin sont largement utilisés et, au début de la période des réserves, le tissu, surtout le calicot rouge, remplace la peau. Les brodeuses indiennes abordent des représentations figuratives, personnages, chevaux, tipis, une véritable peinture de perles. On représente des amoureux, un mariage, plus rarement des scènes de guerre ou de chasse. On remarque ces grands personnages à l’allure noble qu’on retrouve dans les dessins des hommes à cette époque. Le perlage lakota est caractérisé par des fonds blancs ou bleu clair sur lesquels se détachent des motifs de couleur vive. Le bleu foncé, largement utilisé, accentue l’effet de contraste. La technique du perlage permet de réaliser les objets les plus délicats aussi bien que de recouvrir de grandes surfaces. Il ne sert plus seulement à orner chemises, guêtres ou mocassins, mais s’étend sur le haut des robes, recouvre les sacs, étuis de couteaux et de fusils, forme des bandes le long des couvertures. Un berceau entièrement perlé est un beau cadeau offert à une jeune mère par les femmes de la famille. UN ART QUI SE PERPETUE
Autrefois, les objets perlés étaient destinés aux parents, aux amis. Ils étaient offerts à l’occasion d’un mariage, de la cérémonie d’attribution du nom, de la libération de l’âme d’un défunt. Les hôtes d’une famille lakota recevaient souvent des mocassins ou une chemise brodée. Les temps ont changé. Maintenant, la plupart des objets perlés sont faits pour être commercialisés. Ils sont vendus très cher dans les boutiques d’artisanat indien tenues par des blancs. Des tentatives sont faites par les Oglala de Pine Ridge, notamment à Kyle et à Cedar Pass, pour vendre directement leurs productions aux touristes. Pratiquer leur artisanat traditionnel est pour les Lakota une expression de militantisme culturel aussi bien qu’un moyen de s’assurer quelques revenus. Le succès que connaissent les pow-wow et les compétitions de danse donnent actuellement un nouvel essor à l’art du costume. Les splendides tenues de danse couvertes de perles, ruisselantes de franges et de plumes, sont l’œuvre des compétiteurs eux-mêmes et de leur famille. La plus grande fantaisie y règne, un maximum d’éclat est recherché. Si l’adresse et l’ingéniosité individuelles s’y donnent libre cours, les caractéristiques tribales ne s’y expriment plus. L’art du pow-wow est devenu pan-indien. Un autre aspect de l’art indien des Plaines, qui était surtout lié aux activités des hommes, s’exprimait à travers le dessin et la peinture. On connaît les scènes de guerre et de chasse que l’homme lakota peignait, pour valoriser ses exploits, sur les parois du tipi familial. La vision que les Lakota avaient du monde s’y révélait. Tandis que la partie médiane était le domaine de la vie humaine et animale, les dessins du bas du tipi représentaient la terre et ses collines et le haut était le ciel, un cône peint en bleu où se détachait la croix rouge de l’Etoile du Matin.
PEINDRE SES EXPLOITS Les hommes peignaient leurs exploits sur leurs manteaux d’apparat. C’était une histoire, un récit pictographique avec ses conventions de lecture. Les personnages étaient représentés avec les caractères permettant de les identifier. Les dessins des boucliers, les coiffures indiquaient la tribu des combattants. Des traces de mocassins ou de sabots marquaient le chemin parcouru par hommes et chevaux. Les Blancs étaient identifiables à leurs chapeaux, leurs uniformes à boutons. Ces dessins apportent quantité de renseignements sur le vêtement, les armes, les divers accessoires, les façons de combattre et de chasser. Sur leurs boucliers, les guerriers dessinaient des symboles révélés par des visions qui devaient leur assurer succès et protection. Les manteaux des femmes et des enfants étaient peints de figures géométriques certainement symboliques, mais dont la signification s’est perdue. Des couvertures, probablement portées par des hommes, portaient un dessin très spectaculaire, le motif dit “ en coiffe de guerre ” fait de plusieurs cercles concentriques constitués de triangles très allongés représentant des plumes et donnant un superbe aspect de soleil rayonnant. De beaux motifs géométriques peints ornaient les « parflèches », des sortes de coffres de cuir cru qui servaient à transporter les provisions, les vêtements et que l’on posait sur les travois durant les déplacements des camps. Le style des Indiens des Plaines a évolué avec l’influence européenne, allant vers une représentation plus réaliste et, aux yeux des Blancs, plus artistique. Des peintres comme George Catlin, Karl Bodmer avaient visité les nations des Plaines dans les années 1830-1840, faisant de nombreux croquis, des portraits que les Indiens regardaient avec beaucoup d’intérêt. Bodmer avait donné de véritables cours de dessin à quelques jeunes gens doués. Plus tard, les Indiens s’étaient trouvés en contact, spécialement dans les écoles, avec de nombreuses représentations graphiques provenant des Blancs. Certains Lakota, plus ou moins sollicités par des historiens et des anthropologues, ont dessiné leurs souvenirs de la vie indienne traditionnelle, combats, cérémonies, scènes quotidiennes. Le style en est très caractéristique : allongement des personnages, chevaux élancés à la petite tête et au long cou. Dans l’hiver 1881, Black Hawk, un Minnecoujou, avait échangé auprès d’un marchand, contre de la nourriture, un ensemble de soixante-seize dessins au crayon de couleur, un trésor culturel inestimable. DES SOLEILS ECLATES Au début des années 1900, Amos Bad Heart Bull, agissant en tant qu’historien de la nation oglala, réalisait d’innombrables dessins d’une qualité graphique et historique exceptionnelles, assortis de commentaires en lakota. On lui doit une représentation de l’assassinat de Crazy Horse, des scènes de cérémonies, de danses et surtout un véritable reportage graphique de la bataille de Little Big Horn. Il était ainsi le continuateur des hommes qui avaient tenu les « winter counts » de leur peuple. Ces historiens de la tribu dessinaient sur une peau de bison un pictogramme représentant un fait marquant de l’année écoulée.
Dans le domaine des beaux-arts, citons les Lakota Arthur Amiotte et Oscar Howes qui ont excellé dans la fresque, tirant leurs thèmes de l’histoire et de la culture de leur peuple. Mich Zephier, à Rapid City, produit de splendides pièces d’orfèvrerie et a formé plusieurs jeunes artistes aptes à lui succéder.
Un art nouveau est celui du « quilt » inspiré du patchwork des femmes américaines qui consiste à former des dessins à l’aide de morceaux de tissu découpé. L’introduction de la machine à coudre en a facilité le développement. Plusieurs tribus se sont mises au patchwork en y imprimant leur style, mais les Lakota ont été les seuls à créer ces superbes motifs en étoiles ou en soleils éclatés qui paraissent inspirés d’un art ancien et authentiquement lakota, celui des décors dits « en coiffe de guerre ». Ces « couvertures à étoile » (star quilt) sont offertes à ceux que l’on veut honorer. Les jeunes diplômés lakota des collèges en reçoivent une accompagnée d’une plume d’aigle, la récompense traditionnelle des guerriers valeureux.
Des pratiques anciennes qui paraissaient oubliées reprennent vie, réaffirmant ce que veut dire « être Lakota » dans le monde actuel, apportant l’espoir d’une renaissance et montrant que tout n’est pas aussi désespéré qu’on le croit parfois.
Sources : “ Les Indiens des Plaines - histoire, religion, art ” (Editions du Rocher) “ Parures d’histoire ” (Musée de l’Homme de Paris) “ Wind on the Buffalo Grass ” (Da Capo Press, New-York) Monique Boisson

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