mardi 11 novembre 2008

Crow

LES CROW



PREFACE

Le peintre et voyageur George Catlin écrivait en 1832 : « Les Indiens qui habitent la région du Haut Missouri ont indubitablement la plus belle prestance et les plus belles tenues de tous leurs congénères du continent nord-américain. Ils vivent dans une région où abondent bisons et chevaux sauvages qui leur procurent un genre de vie sain et aisé. L’air y est pur, ce qui leur assure bonne santé et longévité. De tous les Indiens que j’ai rencontrés, ce sont les plus indépendants et les plus heureux. Ils vivent tous entièrement à l’état de nature et, en conséquence, ils sont beaux et agréables à regarder au-delà de toute description ». Il ajoutait : « Parmi ces tribus, les Crow arrivent peut-être en premier et personne ne saurait apprécier sans les avoir vus dans les contrées qui sont les leurs, l’élégance et le goût avec lesquels certains de ces gens s’habillent ».

J’étais complètement fasciné par la vie de ce grand village de tipis, par les couleurs, la gaieté, la bonne volonté et la gentillesse que je rencontrais partout. [….] J’avais dessellé mon cheval et j’avais posé ma cartouchière, ma carabine et mes jumelles sur ma selle, et j’étais parti visiter le village, abandonnant mon équipement au beau milieu de ce campement de plus de trois mille Indiens. [….] Ma carabine, mes munitions et mes jumelles représentaient une fortune pour un Indien crow, mais on ne m’a pas volé une seule cartouche. (Les Crow) sont riches de tout ce dont un Indien a besoin pour être heureux. Ils portent de magnifiques vêtements à l’ancienne mode, faits de peaux et décorés de perles, de piquants de porc-épic et de queues d’hermine. [….]
On voyait partout de la viande en train de sécher. Tout le monde était insouciant et joyeux. [….] Toute la vie d’une nation indienne se déroulait devant nos yeux. Ici, le chef suprême recevait des ambassadeurs envoyés par une autre tribu. Là, le son des tambours rassemblait les guerriers pour une danse de guerre présageant une expédition contre les Sioux. Là-bas, un shaman s’occupait d’un blessé au son d’un tambour et d’un hochet. Plus loin, une nombreuse assistance entourait deux lanceurs de javelot qui s’efforçaient de faire passer leurs armes au travers d’un anneau. Les paris allaient bon train, certains Indiens jouant tout ce qu’ils possédaient. Le perdant acceptait sa défaite sans un battement de cil, sans contester. Plus loin encore, une foule tout aussi nombreuse assistait à une course de chevaux où s’alignaient vingt cinq cavaliers ».
C’est ainsi que le lieutenant Hugh L. Scott décrit le village qu’il a visité au printemps 1877, quand les Crow menaient encore leur vie traditionnelle, une société heureuse, libre, dynamique, riche d’un merveilleux pays où abondait, pour peu de temps encore, tout ce dont elle avait besoin pour vivre et prospérer.







HISTOIRE DU PEUPLE CROW

LES ORIGINES

D’où venait donc ce peuple crow qui avait si fort impressionné par sa beauté et son courage les voyageurs au XIXème siècle ?
Comme la plupart des peuples indiens des Plaines du Nord, les Crow sont originaires de la région des Grands Lacs où, jusqu’au XVIIème siècle, ils ne forment qu’un seul peuple avec les Hidatsa. Les Crow/Hidatsa vivaient dans l’actuel Minnesota, tirant leur subsistance de la cueillette, de la pêche dans les nombreux lacs et rivières, et de la chasse aux cervidés dans les forêts, organisant occasionnellement des chasses au bison dans les prairies. A cette époque, ils cultivent le maïs, la courge, le haricot, le tournesol et le tabac, et habitent des villages sédentaires faits de vastes huttes rondes recouvertes de terre. Ils sont au contact des ancêtres des « Sioux », des Mandan, des Winnebago, des Iowa et autres peuples de langue siouane.
Dès le milieu du XIVème siècle, un petit groupe appelé Awatixa s’éloigne vers l’ouest et commence à fréquenter la vallée de la Knife River, un affluent du Missouri, dans la partie centrale de l’actuel Etat du Dakota du Nord. Au XVème siècle, ils s’y sont complètement installés, construisant leurs villages sur les berges des cours d’eau et s’adonnant toujours à l’agriculture. La chasse au bison devient pour eux prépondérante.
Au XVIème siècle, ils ont encore progressé vers l’ouest. Ils sont à ce moment au confluent de la rivière Yellowstone avec le Missouri, à la limite orientale de l’actuel Etat du Montana. Semi-nomades, ils vivent à la saison des chasses sous des abris démontables en peau de bison, l’ancêtre du tipi, hivernant dans des villages de huttes. La chasse et la cueillette assurant l’essentiel de leur alimentation, ils ne cultivent plus que le tabac, utilisé à des fins cérémonielles. Les femmes récoltent les nombreuses plantes comestibles qui poussent dans les Plaines et les hommes chassent le bison et l’élan à pied, poussant les troupeaux vers des falaises d’où ils les précipitent ou les dirigeant vers des enclos où ils les abattent.
Les Awatixa abandonnent la vallée du Missouri et, progressant vers le sud, ils s’installent le long de la rivière Yellowstone et de ses affluents, la Tongue, la Powder et le Little Missouri, et atteignent ainsi le nord du massif des Black Hills. A ce moment, ils se heurtent aux Shoshone venant de l’ouest, mais entrent en relations pacifiques avec les Kiowa qui occupent les Black Hills. Les Awatixa prendront le nom de « Crow de la Montagne ».
Au début du XVIIème siècle, à la suite d’un différent, un autre groupe se sépare des Hidatsa, installés près de Devil’s Lake, dans l’est de l’actuel Etat du Dakota du Nord. Remontant le Missouri, ils s’installent au confluent avec la Yellowstone, construisant leurs villages sur les rives du fleuve, comme l’ont fait leurs frères awatixa un siècle avant eux. Ils seront connus comme les « Crow de la Rivière » et garderont encore longtemps des contacts avec les Hidatsa demeurés plus à l’est.
C’est probablement au début du XVIIIème siècle que les Crow de la Montagne troquent des chevaux auprès des Shoshone et des Nez Percé qui les tiennent eux-mêmes des tribus du sud. Les Crow de la Rivière les acquièrent à leur tour. Le cheval, acheté ou volé, se répand rapidement parmi les nations indiennes – Cheyenne, Lakota, Arapaho – qui affluent vers les Grandes Plaines.



UN PEUPLE DES GRANDES PLAINES

L’introduction du cheval va profondément modifier la vie des chasseurs/cueilleurs des Plaines. Avec le cheval, les déplacements des personnes et des biens deviennent beaucoup plus rapides et aisés. La chasse est plus facile et sélective, les Indiens n’abattant que le nombre de bêtes qui leur est nécessaire. L’activité guerrière s’accroît grâce à la facilité des déplacements, sans être forcément plus meurtrière, car la capture de chevaux chez l’ennemi, qui demande adresse et courage, tend à remplacer les combats. Les Indiens délaissent définitivement les villages sédentaires pour vivre toute l’année sous des tentes en peau de bison facilement déplaçables avec l’aide des chevaux et connues sous le nom sioux de « tipi ». Les tipis crow sont les plus grands et les mieux construits des Plaines. Se déplaçant sur de vastes territoires dont ils exploitent judicieusement les ressources, ils suivent les migrations des troupeaux de bisons et d’élans, remplaçant leur ancienne agriculture par la cueillette des plantes sauvages. Les Crow sont les seuls à continuer à cultiver le tabac qu’ils utilisent à des fins cérémonielles.

Au XVIIIème siècle, Crow de la Rivière et Crow de la Montagne ont entre eux des relations étroites, s’identifiant comme les enfants de « l’Oiseau au Gros Bec » - Absaroka. L’expression a été traduite par « Corbeau » (Crow) par les autres Indiens ainsi que par les Blancs, mais sa signification réelle a été perdue.
Les Crow de la Montagne, ceux qui vivent dans la partie nord des Black Hills, sont, à partir de 1760, aux prises avec les Lakota, nombreux et agressifs, qui arrivent de l’est. Pour tenter de résister, ils s’allient aux Kiowa, une tribu amie avec laquelle ils partagent le massif. Mais, après une courageuse résistance, les Crow de la Montagne doivent abandonner leurs collines verdoyantes et leurs belles vallées aux Lakota et rejoindre leurs frères vivant plus au nord, ne formant plus qu’un seul peuple avec eux. A partir de ce moment, le territoire crow est centré sur les Big Horn Mountains et la vallée de la Bighorn. Il est bordé au nord par la rivière Yellowstone et s’appuie à l’ouest sur Absaroka Range, descendant en pente douce vers l’est en direction de la Powder River, leur frontière avec les Lakota, un superbe pays riche et varié que les Crow vont tout faire pour préserver.
L’usage du cheval permet l’exploration sur de longues distances, le contact avec d’autres peuples, l’intensification des échanges commerciaux. Les Crow font du troc avec les Flathead, les Nez Percé et même les Shoshone et les Ute qu’ils combattent à l’occasion. Ils continuent à fréquenter leurs amis kiowa qui, repoussés par les Lakota maintenant alliés aux Cheyenne, se sont éloignés vers le Colorado et les Plaines du Sud.
Les Crow deviennent d’importants partenaires commerciaux pour les marchands de fourrure, souvent des Français, installés au poste de traite de Fort Union, au confluent du Missouri et de la Yellowstone. Une compétition s’installe entre les tribus indiennes qui tiennent à échanger avec les marchands de fourrures auprès desquels les hommes acquièrent des armes, des outils, de l’alcool, ainsi qu’étoffes, perles, miroirs et ustensiles divers convoités par les femmes. Jusqu’au milieu du XIXème siècle, les contacts des Crow avec les Blancs demeurent sporadiques et, à de rares exceptions près, pacifiques. En 1825, les Crow ont conclu avec les Blancs un traité d’amitié, une sorte de pacte de non agression.
Au début du XIXème siècle, les Crow sont environ huit mille. En 1825, puis à nouveau en 1845, des épidémies de variole, apportées par des trappeurs blancs et des marchands de fourrures, touchent durement les Crow des Big Horn Mountains. En 1837, la terrible épidémie de variole qui devait presque entièrement détruire les Mandan et les Hidatsa anéantit les villages crow du Missouri et de la Yellowstone. Moins de trois mille Crow survivront.



« NOUS VOULIONS PRESERVER NOTRE BEAU PAYS »

DEUX TRAITES DE PAIX
De l’or est découvert dans le nord de la Californie en 1848. Aussitôt, les convois de pionniers affluent vers l’Ouest, en particulier le long de la piste de l’Oregon. Les incidents entre Crow et colons ne sont pas rares. Beaucoup de ces pionniers, des fermiers, peu désireux de tenter l’aventure en Californie, s’installent sur place, occupant les terres indiennes, faisant fuir le gibier. Le reflux de certaines tribus repoussées par les Blancs commence à menacer le territoire crow. Les bisons, les élans se font plus rares sur le territoire lakota, entre le Missouri et les Black Hills. A la fin des années 1850, les Lakota chassent en compagnie des Cheyenne jusque dans la vallée de la Powder River, à la limite orientale du territoire crow. Pour des raisons analogues, les Blackfeet Piegan les menacent par le nord. La situation devient difficile pour la minuscule nation crow, pressée de toutes parts. L’équilibre qui s’était créé au cours des siècles entre les nations indiennes est profondément bouleversé par l’invasion blanche.

En 1851, les Crow signent, comme toutes les nations des Plaines du Nord, le premier traité de Fort Laramie. Les représentants du gouvernement ont convoqué les chefs afin de définir un territoire pour chaque tribu. L’intention première est de protéger le passage des immigrants vers l’Ouest. Le gouvernement affiche aussi son désir d’instaurer la paix entre les tribus, mais son but inavoué est d’exercer sur elles un contrôle.
Les Crow se voient reconnaître un territoire bordé à l’est par la Powder River qui les sépare des Lakota, au nord par la Musselshell River, un affluent du Missouri, à l’ouest par les Absaroka Range, au sud par la Wind River. Cela correspond à leur territoire traditionnel, légèrement amputé à l’est par le déplacement récent des Lakota. Pourtant, les Crow, comme les autres Indiens, ressentent cette démarcation comme une atteinte à la liberté de mouvement et d’échanges qu’ils avaient toujours connue, comme une emprise des Blancs sur leur destinée. Par le traité, les Américains obtiennent des Indiens, moyennant des indemnités en nature, qu’ils laissent les convois de pionniers traverser librement leur territoire.
En 1865, la piste Bozeman, une branche de la piste de l’Oregon, est ouverte en direction des mines d’or du Montana. Défendue par des forts, elle passe entre les Black Hills et la vallée de la Powder River, à travers les meilleurs territoires de chasse des Lakota et des Cheyenne qui s’y opposent vigoureusement. C’est le début de la guerre dite « de Red Cloud ».
Les Lakota tentent d’obtenir l’alliance des Crow. Red Cloud en personne se rend chez eux et harangue les jeunes guerriers sur la nécessité pour les tribus de s’unir pour s’opposer à l’avance des Blancs. Beaucoup sont tentés de le suivre et certains l’ont fait. Chez les Indiens, chacun a le choix de sa vie. Mais les chefs crow refusent d’engager la tribu, voulant demeurer à l’écart du conflit et espérant s’attirer la bienveillance des Blancs pour avoir refusé de les combattre. C’est désormais une politique que les Crow font constamment soutenir : demeurer en bons termes avec les Blancs afin de protéger leur pays.

En 1868, ils signent le second traité de Fort Laramie. L’amitié qu’ils montrent aux Blancs est bien mal récompensée. Les Crow perdent toutes leurs terres du sud, celles qui leur avaient été reconnues en 1851 dans le territoire du Wyoming. Ils perdent également toutes celles comprises entre la Musselshell River et la Yellowstone qui devient leur nouvelle frontière nord.



LA RESERVE
Dès le début des années 1870, fermiers, éleveurs et spéculateurs fonciers accusent le gouvernement d’avoir favorisé les Crow en leur accordant beaucoup trop de terres. Les élus du Territoire du Montana réclament une importante réduction des terres crow. La pression s’accroît quand de l’or est découvert à Clark Fork, sur la rivière Yellowstone. Pour accéder à la mine, une ligne de chemin de fer doit être construite à travers la partie nord de ce qu’il faut appeler maintenant la « réserve crow ». Il faut toute l’influence de chefs prestigieux comme Medicine Crow, Pretty Eagle, Old Dog pour que l’intégrité du territoire soit préservée. Mais cela a un prix : l’engagement des Crow aux côtés de l’armée américaine dans sa lutte contre les tribus rebelles.
Un agent indien, c’est-à-dire un représentant du gouvernement chargé de surveiller la tribu et de la mettre sur « la voie de la Civilisation », s’installe dans l’est de la réserve. Les Crow sont fortement incités à occuper la partie orientale de la réserve, une région moins montagneuse, plus propice à l’agriculture et où ils sont aussi plus facilement contrôlés par l’armée et l’administration.
Tandis qu’une partie de la tribu se retire dans les Big Horn Mountains et demeure neutre, en s’efforçant de préserver son mode de vie, des Crow sont engagés comme bûcherons, constructeurs, courriers pour l’armée. Durant la guerre que mènent les Lakota, Cheyenne et Arapaho jusqu’en 1877 pour la défense de leur territoire, les Crow fournissent des éclaireurs à l’armée. Questionné sur la raison de cette attitude, le chef Plenty Coups répondra : « Ce n’était pas par amitié pour les Blancs, ni même par haine des Sioux, c’était seulement parce que nous voulions préserver notre beau pays ».



DES ECLAIREURS POUR L’ARMEE
Des scouts shoshone et crow, dont le chef Plenty Coups, sont avec le général George Crook le 17 juin 1876 à la bataille de la Rosebud où les guerriers cheyenne et oglala conduits par Crazy Horse repoussent les soldats.
Ce sont des éclaireurs crow qui, au matin du 25 juin, découvrent l’immense camp indien sur les rives de la Little Bighorn et avertissent le lieutenant colonel George A. Custer. Devant l’importance des forces ennemies, les Crow déconseillent d’attaquer et, pour impressionner Custer, ils s’assoient sur le sol, tirent leur couverture sur leur tête et commencent à chanter leur chant de mort. Custer les traite de femmes et décide de passer outre. Au moment de l’attaque, Custer renvoie les éclaireurs crow qui assisteront du haut d’une colline à l’anéantissement du 7ème de cavalerie. C’est Curly, l’un de éclaireurs, qui rapportera la nouvelle du désastre. Les éclaireurs guidaient l’armée sur la piste des Indiens ennemis, mais n’étaient pas tenus de participer aux combats. Les Indiens engagés aux côtés de l’armée gardaient toujours leur autonomie de mouvement et de décision. Parfois, en soutien à l’armée, un parti de guerriers crow harcelait les Sioux, mais en combattants libres et non en supplétifs, une subordination que les guerriers n’auraient pas acceptée. Furieux de l’aide que les Crow apportent à l’armée qui les combat, Lakota et Cheyenne attaquent les Crow jusque sur leur réserve.
Le 17 décembre 1876, cinq oglala arrivent devant Fort Keogh pour négocier avec les officiers du fort. Les parlementaires, sans armes et portant un drapeau blanc, se présentent au poste installé en dehors du fort, tenu par des éclaireurs crow. Quelques jours plus tôt, dans une attaque menée par des Oglala contre un camp crow, une femme a été tuée. Son mari est justement parmi les éclaireurs. Ivre de vengeance, il se jette sur les parlementaires. Ses compagnons l’imitent, et les cinq Lakota sont tués.
En juin 1877, les Nez Percé qui suivent Chef Joseph quittent l’Oregon, fuyant l’enfermement dans la réserve de Lapwaï en Idaho. Les Crow sont depuis toujours les alliés des Nez Percé contre les Cheyenne et les Lakota. Pourtant, des éclaireurs crow suivent l’armée du général Howard qui traque les fugitifs.
Début septembre, le chef nez percé Looking Glass qui compte beaucoup d’amis parmi les Crow, se rend auprès d’eux pour les supplier de donner asile à son peuple à bout de forces. A la suite d’une dramatique entrevue, les Crow refusent, la mort dans l’âme. Ils ne veulent pas perdre le bénéfice de leur politique d’amitié avec les Américains et leur donner un prétexte pour réduire leur territoire. Certains Crow considèreront ce refus inhumain comme une tache à leur honneur.
Au printemps 1877, Lakota, Cheyenne et Arapaho ont fait leur reddition. Crazy Horse meurt en septembre. Les Nez Percé se rendent en octobre. Les Plaines sont « pacifiées », les combats ont cessé, et les Crow n’ont plus à redouter les attaques de leurs ennemis indiens. Mais d’autres périls plus grands les menacent.



ASSIMILATION
En 1880, les principaux chefs crow – Medicine Crow, Plenty Coups, Pretty Eagle, Iron Bull – sont convoqués à Washington pour entériner une importante cession territoriale. Les Crow perdent les Beartooth Range, au nord des Absaroka Mountains, la partie occidentale et montagneuse de leur réserve qui est ouverte aux prospecteurs et où doit passer une branche du « North Pacific Railroad ». C’est dans ces montagnes que beaucoup de Crow s’efforçaient encore de vivre de la chasse et de la cueillette, déplaçant leurs tipis et leurs troupeaux de chevaux à la manière traditionnelle. Le gouvernement les incite à nouveau à s’installer dans la partie est de la réserve et à se mettre pour de bon à l’agriculture. Il est demandé aux chefs de « donner le bon exemple ». En 1883, Plenty Coups et Pretty Eagle dirigent les premières plantations de pommes de terre et le fauchage de plusieurs hectares de foin.
En 1884, comme les Crow mettent une évidente mauvaise volonté à suivre les conseils de l’administration, le nouvel agent de la réserve organise, avec l’aide de l’armée, le transfert vers l’est des communautés crow qui s’obstinaient à vivre dans l’ouest, autour de Pryor Creek, la terre des légendes, le pays des rêves, où le Fils du Soleil combattait les monstres. Les Crow vivent cela comme une déportation, la fin de ce qui subsistait de leur vie traditionnelle. L’agent indien installe son quartier général sur la Little Bighorn, à quelques kilomètres du site de la célèbre bataille, à un endroit qui prend le nom de Crow Agency.
Les pressions se font plus fortes pour que les Crow envoient leurs enfants à l’école de l’agence et pour qu’ils fréquentent les églises ouvertes par les missionnaires et se fassent baptiser. Il serait faux de dire qu’ils y sont forcés. Le gouvernement feint de croire qu’il suffit de fournir aux Indiens des opportunités et des incitations pour que l’intérêt que présente pour eux la civilisation leur apparaisse et qu’ils abandonnent leurs « coutumes barbares ». Le gouvernement attend des Crow, « amis de l’homme blanc », qu’ils marquent un enthousiasme particulier à se civiliser. En 1886, deux nouvelles écoles sont ouvertes, à Pryor et à Saint Xavier. Les Crow sont très réticents à y envoyer leurs enfants. Ils redoutent qu’ils y oublient leur langue, ce qui est justement la raison d’être des écoles pour les Indiens. Ces écoles sont fréquentées presque uniquement par des orphelins, nombreux, dont l’agent est le tuteur légal. Dans les années 1890, des jeunes Crow sont envoyés dans des internats à Lawrence au Kansas, à Carlisle en Pennsylvanie, à Chemawa en Oregon. Beaucoup y mourront de maladies, de mauvais traitements et de désespoir.



UNE RESISTANCE SILENCIEUSE
En août 1886, on apprend que Sitting Bull, accompagné d’une centaine de Hunkpapa, vient rendre visite à ses « amis crow ». Le chef hunkpapa était apparemment attendu par des Crow qui avaient pris secrètement contact avec lui. L’agent Williamson qui gouverne la réserve crow télégraphie à Fort Custer pour demander que l’armée intercepte les Lakota, mais il n’obtient pas de réponse.
Sitting Bull et sa suite de guerriers arrivent sur la réserve à la mi-septembre, sans que l’agent puisse endiguer l’enthousiasme de la population crow qui se presse pour l’accueillir. Les Hunkpapa se rendent directement sur le site de Little Bighorn où, dix ans plus tôt, les Lakota et leurs alliés ont anéanti le 7ème régiment de cavalerie guidé par des scouts crow. En présence d’un journaliste de la « Gazette de Billings » qui racontera l’événement, Sitting Bull visite longuement le champ de bataille. Devant le monument érigé à la mémoire de Custer et de ses compagnons, il déclare à ses hôtes : « Regardez ce monument. Cela montre de quoi notre peuple est capable ». Par « notre peuple », il faut certainement entendre « nous, les Indiens, tous les Indiens ». Puis il ajoute : « Voyez comment les Blancs nous traitent. Nous sommes retenus au camp et obligés de travailler comme des esclaves, alors que nous devrions pouvoir chevaucher librement et vivre de manière agréable ». Sitting Bull promet de revenir au printemps suivant. L’impact causé par la visite du prestigieux chef lakota est énorme. Les opposants crow à l’assimilation et à la politique conduite par leurs principaux chefs se découvrent, plus nombreux et déterminés que ne le pensait l’agent Williamson.
A ce moment, des arpenteurs sont à l’œuvre sur la réserve, préparant le partage des terres tribales en propriétés privées, selon le projet de loi déposé devant le Congrès par le sénateur Dawes et que les « Amis de l’Indien » et autres philanthropes espèrent bien faire voter « pour le bien de l’Indien ». On ne doute pas que les Crow, fidèles alliés des Blancs, n’acceptent avec enthousiasme cette disposition qui va dans le sens de la civilisation. Pourtant, quand les chefs crow sont invités à s’exprimer sur le sujet, une vive opposition se fait jour, même chez ceux qui, comme le chef Spotted Horse, semblaient résignés à tout accepter. Il est évident que Sitting Bull leur a ouvert les yeux sur les véritables intentions des Blancs – s’emparer de leurs meilleures terres et casser leurs liens tribaux – et les a incités à la résistance. Il faudra plus d’une année de pressions et de menaces pour que les Crow se résignent aux conséquences de la loi Dawes, adoptée en février 1887 par le Congrès, et acceptent leurs lots individuels.
L’année 1887 va connaître le dernier combat des traditionalistes, peut-être l’unique bataille qu’aient menée des guerriers crow contre l’armée des Etats-Unis. C’est la révolte de Sword Bearer. (voir chapitre suivant)
En 1891, les Crow perdent une belle région de pâturages entre Rock Creek et Stillwater Creek, convoitée par les éleveurs blancs. En 1904, une dernière cession leur retire la partie nord qui touche à la Yellowstone. C’est la « Crow Ceded Strip ». Entre 1905 et 1919, conséquence des dispositions de la loi Dawes sur les terres dites en surplus, une partie de la réserve crow est ouverte aux colons. En 1920, la tribu réussit cependant à sauver les terres non loties qui lui restent en décidant de les répartir entre ses membres dont le nombre a fortement augmenté.
Pressés de toutes parts par les éleveurs qui convoitent leur terres, les conseillers agricoles, les missionnaires, les éducateurs de toutes sortes qui veulent les civiliser, et le monde qui change autour d’eux, les Crow ont, en ce début du XXème siècle, perdu tout espoir de sauvegarder ne serait-ce qu’une parcelle d’indépendance. Repliés sur la communauté, leur identité tribale, la sphère familiale, le seul combat qu’ils pourront mener désormais sera de préserver en secret leur culture, leur langue, leur mémoire, une résistance silencieuse, obstinée, efficace. On peut dire qu’ils y ont assez bien réussi. Les Crow comptent actuellement parmi les plus traditionalistes des Indiens d’Amérique du Nord.



SWORD BEARER, LE DERNIER GUERRIER
Pour les Crow, l’année 1887 allait être marquée par un drame.
La visite de Sitting Bull en septembre 1886, durant laquelle le chef lakota avait incité les Crow à résister aux ordres de l’administration blanche, avait créé une vive émotion, une résurgence du traditionalisme. Elle avait révélé des oppositions qui ne demandaient qu’une occasion pour s’exprimer.
Durant le printemps et l’été 1887, d’âpres discussions se déroulent entre les chefs crow et l’administration des affaires indiennes à propos de la location à des éleveurs blancs de pâturages sur la réserve. Certains chefs s’opposent par principe à autoriser tout empiètement de colons sur la réserve. D’autres exigent d’avoir au moins la possibilité de choisir leurs bailleurs. Une résistance passive, une indiscipline généralisée qui préoccupent beaucoup l’agent Williamson, règnent sur la réserve en cet été 1887.
A cette époque, beaucoup de jeunes Crow connaissent des problèmes d’intégration sociale et des préoccupations d’ordre psychologique, un souci de leur propre identité qui va les pousser à vouloir changer l’avenir sombre auquel ils sont promis.
Comment un jeune Crow peut-il espérer démontrer son courage, ses qualités viriles, voire ses capacités de leader, comme ses ancêtres l’ont toujours fait, maintenant que la guerre, la chasse, les relations normales entre tribus, n’existent plus ? Les ennemis indiens traditionnels sont eux-mêmes parqués sur des réserves, les Plaines sont vides de bisons, la Danse du Soleil durant laquelle les jeunes gens montraient leur courage est interdite, tout comme les Quêtes de Vision qui donnaient un sens à leur vie. Les longues chevauchées à travers les Plaines que les jeunes hommes et les jeunes femmes crow aimaient tant sont considérées par l’agent comme une perte de temps et une persistance de la « sauvagerie ». Les Crow sont incités à diminuer leurs troupeaux de poneys de chasse pour les remplacer par des chevaux de labour. Les récits des exploits passés enflamment l’imagination des jeunes et leur désir de se distinguer. C’est là une grave préoccupation pour les hommes qui ont des fils en âge de faire leurs premières armes. Toutes les tribus captives ont ce souci. Il est rapporté que, dans les années 1880, des pères lakota prenaient secrètement contact avec des hommes d’autres tribus qui se trouvaient dans le même cas, afin que leurs fils participent mutuellement à quelque action d’éclat, même arrangée.
En juin 1887, alors que la crainte de l’avenir étreint la tribu, des Cheyenne invitent de jeunes Crow à participer à la Danse du Soleil qu’ils doivent tenir en un lieu discret de leur réserve de la Tongue qui borde à l’est la réserve crow. Enchantés de cette occasion qui leur est offerte, les jeunes gens répondent à l’invitation de leurs anciens ennemis. Les Crow ont naturellement à cœur de faire honneur à leur nation en montrant leur courage. Leur participation à la Danse du Soleil, que les Cheyenne appellent la Cérémonie du Renouveau de la Vie, est très remarquée, surtout celle d’un garçon portant le nom peu glorieux de Wraps Up His Tail. Le jeune homme n’a pas encore eu l’occasion de se faire un nom de guerrier, un nom d’homme. Cette occasion, les Cheyenne la lui offrent. Pour célébrer le grand courage qu’il a montré durant l’épreuve, ils lui donnent un sabre pris onze ans plus tôt sur le champ de bataille de Little Bighorn et lui attribuent le nom flatteur de Sword Bearer.

Quelques jours plus tard, des Brûlé venant de la réserve de Rosebud, au Dakota du Sud, se présentent à la frontière orientale de la réserve crow. Ils ont reçu de leur agent l’autorisation de se rendre au Montana et ils sont attendus par les Crow.
A la fin des années 1880, l’administration favorise les relations entre Indiens qui, à cette époque, sont censés être « sur la voie de la civilisation » et « avoir renoncé à leurs moeurs barbares ». L’agent Williamson, qui a moins d’illusions, déclare : « Cette visite va signifier deux ou trois semaines de danses, de peintures de guerre et de plumes ». Ce n’est évidemment pas pour discuter agriculture ou s’entretenir des beautés du christianisme que les anciens adversaires se rencontrent, mais plutôt pour se souvenir du bon temps d’autrefois.
Quand des soldats et des policiers crow veulent refouler les visiteurs lakota à Reno Crossing, une foule de jeunes Crow, dont Sword Bearer et ses amis, se rassemble pour exiger que leurs hôtes soient autorisés à entrer. L’agent cède pour éviter une confrontation.
La visite des Brûlé, succédant à celle de Sitting Bull qu’ils ont suivie avec passion, la Danse du Soleil à laquelle ils viennent de participer, éveillent chez Sword Bearer et ses jeunes compagnons une nouvelle détermination, un nouvel espoir.
En août, Sword Bearer fait une recherche de vision dans les Big Horn Mountains. Il y voit sa destinée : il sera un guerrier, comme son père et tous ses ancêtres l’ont été avant lui. Il ne tuera certainement pas d’ennemis, mais il parcourra librement les Plaines que le Grand Esprit a données à son peuple et il défendra les siens. Il refusera l’uniforme humiliant de l’école ou de la police tribale et ne passera certainement pas le reste de ses jours derrière une charrue. Autour de lui se rassemblent les Danseurs du Soleil de l’été. Bientôt, d’autres les rejoignent, des fils de chefs influents, las de la soumission, attirés par le charisme de Sword Bearer auquel certains attribuent des pouvoirs d’homme médecine.
Les jeunes rebelles s’ouvrent de leurs sentiments à leurs pères, aux Anciens de la tribu. Ils le font à la manière indienne, avec respect, recherchant leur conseil et leur appui. Des hommes, pourtant favorables à l’adaptation à la culture blanche, n’hésitent pas à les soutenir ouvertement. Certains ont vu leur bétail volé par des cow-boys, et les troupeaux des éleveurs blancs pâturent en toute impunité sur leurs terres, sans que l’agent censé les protéger fasse quoi que ce soit pour les défendre.

Au début de septembre, des Blackfeet Piegan pénètrent sur la réserve crow et y volent quelques dizaines de chevaux. Pendant que l’agent rédige un rapport sur l’incident, Sword Bearer et son petit groupe de cavaliers – une vingtaine de jeunes hommes – décident de relever le défit que leur ont lancé les Piegan, eux aussi épris d’aventures. Les Crow quittent secrètement la réserve et s’élancent sur les traces des voleurs qui ont sur eux deux ou trois jours d’avance. Pour atteindre la réserve blackfoot, au nord du Territoire du Montana, ils doivent traverser plusieurs rivières, franchir de hautes collines, mais aussi un pays investi par l’homme blanc avec ses voies ferrées, ses routes, ses ranchs et ses clôtures de fils barbelés.
Les Crow ont réussi à reprendre leurs chevaux. Fin septembre, ils sont de retour.
Au soir du 30 septembre, les vingt jeunes cavaliers, poussant devant eux les chevaux qu’ils ramènent, font une entrée fracassante dans Crow Agency endormi. Caracolant bruyamment, poussant des cris de victoire, ils tirent en l’air des coups de feu comme le faisaient traditionnellement les guerriers au retour d’un raid. Certains projectiles atteignent la maison de l’agent et un magasin. On ne saura jamais s’il s’agissait d’un tir accidentel ou d’une provocation délibérée contre l’autorité de l’agent.
Bien que l’incident n’ait duré que quelques instants et n’ait fait aucun blessé, l’émotion est énorme à Crow Agency. L’agent Williamson télégraphie au bureau de Washington, parlant de révolte, et demande le secours de l’armée basée à Fort Custer.
Les rebelles fuient vers les montagnes de l’Ouest, poursuivis par la police crow à laquelle s’est jointe l’armée. La presse locale, la « Gazette de Billings » en particulier, répandent les nouvelles les plus alarmistes. Les Sioux tant redoutés pourraient se joindre à la rébellion, des Indiens canadiens pourraient venir leur prêter main forte. La perspective excitante d’une nouvelle « guerre indienne » incite les habitants du Montana à s’armer, des milices se forment spontanément. Des troupes sont envoyées de l’Est, sous le commandement du général Alfred Terry, un vétéran de la campagne contre les Sioux de 1876-1877. La réserve crow est occupée militairement et les autorités ordonnent à tous les Crow « loyaux » de se rassembler autour de l’agence.
Activement poursuivis par l’armée, les milices et la police crow, les rebelles sont rejoints le 4 novembre dans les Pryor Mountains. Sommés de se rendre, ils refusent et ouvrent le feu sur leurs poursuivants. Ils résisteront plusieurs heures, jusqu’à épuisement de leurs munitions. Huit des jeunes Crow sont tués, dont Sword Bearer, abattu par Fire Bear, l’un des policiers indiens.
Les corps de Sword Bearer et de ses compagnons sont ramenés à Crow Agency. La tribu, en larmes, défile devant ses derniers guerriers morts. Le bruit se répand que Sword Bearer possède des pouvoirs magiques. Des parents demandent à leurs enfants de toucher ses cheveux pour recevoir la protection de son esprit. Le policier qui a tué Sword Bearer reçoit des menaces de mort.
Une dizaine de guerriers de Sword Bearer, dont plusieurs sont blessés, ont été capturés, mis aux fers et envoyés à la prison de Fort Snelling, Minnesota, où ils doivent finir leurs jours. Grâce à l’insistance des chefs crow, ils sont finalement libérés au bout de deux ans.



BEAR TOOTH PARLE : « PERES, ECOUTEZ-MOI ! »
« Pères, écoutez-moi ! Rappelez vos jeunes hommes qui sont dans les Big Horn Mountains. Ils ont parcouru le pays, ils ont détruit les arbres qui poussaient et l’herbe verte, ils ont incendié nos terres. Pères, vos jeunes hommes ont détruit la contrée et tué nos animaux, l’élan, le daim, l’antilope et le bison. Ils ne les tuent pas pour les manger, ils les laissent pourrir où ils tombent.
Pères, si j’allais dans votre pays tuer votre bétail, que diriez-vous ? Ne me feriez-vous pas la guerre. Pourtant, quand les Sioux m’ont offert des centaines de chevaux et de mules pour aller en guerre avec eux, je n’y suis pas allé. [….] Nos grands chefs des temps anciens, nos grands pères, nos grands-mères nous ont dit : « Soyez amis avec les Blancs car ils sont puissants ». Nous, leurs enfants, nous avons obéi, et voilà ce qui est arrivé.
Il y a plus de quarante ans, alors que les Crow campaient sur le Missouri, notre chef a reçu un coup de pistolet d’un chef blanc.
Un jour, sur la rivière Yellowstone, il y avait trois chariots avec trois hommes blancs et une femme blanche. Quatre Crow se sont approchés pour leur demander à manger. Un des Blancs a pris un fusil et il a tiré. Notre chef, Cheval Alezan, a été touché et il est mort.
J’ai appris que vous aviez envoyé des courriers aux Sioux, mais ils m’ont dit qu’ils ne viendraient pas car vous les aviez déjà trompés une fois. (*) Ils m’ont dit : « Ah, les Blancs vous ont appelés et vous allez les voir. Ils vous traiteront comme ils nous ont traités. Ils vous séduiront par de douces paroles et de belles promesses qu’ils ne tiendront pas. Allez ! Ils se moqueront de vous ! »
Pères, je n’ai pas de gêne à parler devant vous. C’est le Grand Esprit qui nous a tous créés, mais il a mis l’Homme Rouge au centre et les Blancs tout autour.
Ah ! Mon cœur déborde d’amertume ! [….] Vous m’avez parlé de labourer la terre et d’élever du bétail. Je ne veux pas qu’on me tienne de tels discours ! J’ai été élevé avec le bison et je l’aime. Depuis ma naissance, j’ai appris à être fort, à déplacer ma tente quand il en est besoin et parcourir la prairie selon mon bon plaisir.
Pères, ayez pitié de moi, car je suis fatigué de parler.
Source : Extrait d’un dossier sur les Indiens des Plaines paru dans le magazine « Pilote » vers 1975.

Ce sont là quelques passages du discours prononcé par le chef crow Bear Tooth à Fort Laramie en novembre 1867, devant les commissaires du gouvernement venus négocier un traité de paix avec les tribus des Plaines du Nord. Les Sioux ne s’y rendront qu’à partir d’avril 1868. On remarque que des tribus ennemies se rencontraient et discutaient de leurs affaires, montrant que la guerre indienne n’avait pas un caractère implacable.
(*) Il fait probablement allusion aux négociations de juin 1865 entre les commissaires du gouvernement et les Lakota qui exigeaient la fermeture de la piste Bozeman. Pendant les pourparlers, l’armée avait poursuivi la construction des trois forts qui protégeaient la piste. C’est alors qu’avait commencé la guerre de Red Cloud. Le chef oglala avait en effet tenté d’obtenir l’alliance des Crow contre les empiètements des Blancs sur les terres indiennes.






LA SOCIETE CROW

La société crow traditionnelle est tout à fait représentative de celles des Indiens qui vivaient dans les Plaines du Nord aux XVIIIème et XIXème siècles. Elle a beaucoup de traits communs avec celles des Cheyenne et des Lakota dont les cultures sont souvent mieux connues. Elle comporte cependant des particularités que nous nous efforcerons de souligner.



MODE DE VIE
L’économie traditionnelle des Crow repose essentiellement sur la chasse au bison et à l’élan qu’ils pratiquent dans les Plaines, en utilisant, depuis le XVIIIème siècle, les chevaux acquis auprès des tribus de l’Ouest. Leur territoire montagneux permet aussi aux hommes de chasser le cerf, la chèvre des montagnes, le mouflon bighorn, de pêcher dans les nombreux torrents et rivières qui descendent des Rocheuses. Une végétation naturelle extrêmement riche fournit une multitude de plantes comestibles, fruits, baies, racines, des récoltes dont se chargent les femmes.
La nation crow possède, au milieu du XIXème siècle, un beau troupeau de chevaux qui excite la convoitise des tribus voisines. Aller voler des chevaux aux Crow est devenu pour les jeunes Lakota et les jeunes Cheyenne une initiation presque incontournable à la vie de guerrier. Comme tous les autres Indiens des Plaines, les Crow sont de remarquables cavaliers. Les jeunes hommes crow et certaines jeunes filles montent sans selle, sur une simple peau de loup ou de puma, ce qui leur laisse une grande liberté de mouvement. Les femmes, les personnes âgées, moins sportives, utilisent des selles à pommeau et troussequin très relevés et de larges étriers, ce qui leur assure une bonne sécurité durant les nombreux déplacements à travers les Plaines.
Les tipis crow sont très grands et bien construits, demandant l’intervention des hommes pour leur montage. Contrairement aux tipis lakota ou cheyenne, la peau de bison qui les recouvre n’est jamais peinte. Les femmes crow tannent des peaux douces comme le velours, et leurs broderies en piquants de porc-épic, ou de perles où domine le rose, ont acquis une grande réputation.
Les vêtements des crow sont confortables, élégants, richement décorés. Ils aiment orner le cuir brun foncé des robes et des chemises de bordures de fourrure blanche, souvent de l’hermine. Des queues d’hermine pendent aux coiffures de guerre des hommes, encadrant le visage. Alors que Lakota, Cheyenne et Arapaho partagent leurs longs cheveux par une raie médiane, les hommes crow portent leurs cheveux coupés courts au-dessus du front, maintenus dressés par de l’argile, une coiffure qui permet de les identifier facilement sur les dessins qui figurent sur les peaux de bison. Les Nez Percé ont une coiffure semblable. Les hommes crow laissent à l’arrière leur longue chevelure traîner derrière eux, parfois jusqu’au sol, utilisant souvent, dit-on, des mèches postiches.
Tous les observateurs blancs s’accordaient à placer les hommes crow parmi les plus beaux des Indiens, peut-être même au-dessus des Cheyenne, pourtant qualifiés de « beaux hommes ». Par contre, les femmes crow, et les Indiennes en général, étaient jugées « plutôt laides », une opinion que dément pourtant la plupart des photos que nous possédons. Il est vrai que leur type physique, et surtout leur manière de s’habiller, étaient fort éloignés de l’idéal féminin du XIXème siècle.



ORGANISATION SOCIALE
Comme pour toutes les tribus indiennes, la société crow repose avant tout sur les liens de clan, les solidarités familiales. L’homme ou la femme appartient avant tout à son clan familial avant d’appartenir à la nation crow, un clan déterminé par celui de la mère. La situation la plus difficile que puisse connaître un Crow est d’être sans parents. C’est heureusement une situation assez rare, les oncles et tantes étant considérés comme des pères et mères, les cousins et cousines comme des frères et sœurs. Un étranger, un captif, doit être adopté dans une famille pour s’assurer un statut dans la tribu.
La solidarité familiale est le moteur de la vie des Crow. Elle s’exerce en particulier entre frères et sœurs, cousins et cousines. Elle assure la protection des femmes contre la brutalité éventuelle d’un mari. Elle pousse les femmes à fournir leurs frères et cousins en mocassins et chemises brodées, et à exalter leurs exploits.
Aucune structure centralisée ne limite la liberté des clans. Ce n’est que par la gloire acquise au combat, par la sagesse au conseil et par la générosité envers les siens qu’un chef peut être reconnu. Aucun chef, si prestigieux qu’il soit, ne peut imposer sa volonté au peuple. Il n’y a pas de « grand chef » chez les Crow, pas plus d’ailleurs que chez les autres tribus des Plaines. Toutes les décisions d’importance sont discutées en conseil où chaque homme peut s’exprimer. Un consensus est recherché. C’est toujours de cette manière que fonctionne la démocratie crow.

La répartition des tâches entre hommes et femmes marque l’organisation sociale.
Aux hommes la chasse, la pêche, la capture et le dressage des chevaux, les déplacements à caractère commercial ou diplomatique et, bien entendu, la guerre et la défense des camps. Ils fabriquent les selles qu’utilisent les femmes et les vieillards, ainsi que les armes et la plupart des outils.
Les femmes crow sont, comme toutes les femmes indiennes, chargées de tâches lourdes et nombreuses. Elles s’occupent des enfants, font la cuisine, tannent les peaux, fabriquent et décorent vêtements et mocassins, portent l’eau et le bois, ramassent les plantes comestibles, installent les campements, et trouvent encore le temps de se livrer entre elles à des jeux de hasard comme le jeu de dés. Les enfants, même les garçons jusqu’à environ treize ans, ont le devoir d’aider leurs mères, grands-mères et tantes dans leurs travaux. Les femmes participent aux nombreuses fêtes et danses qui réunissent fréquemment la tribu. Dans les cérémonies et les rituels, elles sont souvent au côté de leur époux.
Certains hommes, peu désireux d’affronter les dangers de la guerre, choisissent de vivre comme des femmes, vêtus comme elles et accomplissant leurs travaux, sans être forcément homosexuels. On les appelle couramment des « berdaches ». Ils sont considérés comme porteurs de pouvoirs spirituels, en particulier d’un don de divination. Il arrive aussi que des jeunes femmes se mêlent aux chasseurs et même aux guerriers par goût de l’aventure ou, le plus souvent, pour accomplir une vengeance, après la mort d’un frère par exemple, quand aucun homme de la famille n’est susceptible de le faire.
Contrairement à ce qui a été dit sur « l’oppression tribale », chacun dispose d’une grande liberté pour mener sa vie, dans le respect de ses devoirs familiaux et des valeurs traditionnelles de son peuple.



LA GUERRE
Le courage, les vertus guerrières des hommes sont essentiels à la défense du territoire dont dépendent la survie et l’honneur de la tribu.
Dès l’âge de douze ou treize ans, les jeunes Crow servent de guetteurs près des villages, en particulier pour la surveillance des chevaux. A quatorze ans, ils accompagnent les expéditions de guerre en territoire lakota, cheyenne, shoshone, blackfeet, comme assistants des guerriers. A seize ans, ils capturent des chevaux, prennent des scalps, marquent de coups. Ils sont entrés dans la société des hommes.
Les chefs de guerre n’exposent pas inutilement leurs guerriers. La véritable victoire est celle où tous les hommes reviennent sains et saufs. Comme l’adversaire est dans le même état d’esprit, les combats entre Indiens font relativement peu de morts. La vie de chacun est précieuse. Les guerriers indiens, jamais très nombreux, combattent rarement en masse, mais plutôt dans une série de duels où la valeur personnelle peut s’exprimer. Il n’est pas question qu’un chef de guerre exige de ses hommes qu’ils se sacrifient pour des raisons stratégiques, emporter une place forte, par exemple. Personne n’est contraint d’exposer sa vie. Le sacrifice, l’accomplissement d’exploits, sont toujours un choix personnel.
Certains guerriers, comme ceux appartenant à des confréries comme celles des « Big Dogs » et des « Crazy Dogs » ont fait vœu de mettre leur courage et leur dévouement au service de leurs compagnons. Ils sont appelés « porteurs de ceinture » car, sur le champ de bataille, ils fixent au sol à l’aide d’une lance leur longue ceinture en peau d’ours, et combattent sans possibilité de fuir, se faisant tuer sur place et protégeant ainsi la retraite de leurs camarades. D’autres se sont engagés à venir en aide aux guerriers crow en difficulté, combattant à leurs côtés ou leur offrant leur monture.
Ces braves jouissent dans la tribu de grands honneurs et de certains privilèges. Dans les banquets où l’on chante leurs louanges, ils sont servis en premier, et il n’est pas rare que des femmes se glissent auprès d’eux pendant la nuit, généralement avec l’assentiment de leur mari qui en tire de la fierté. Par contre, s’ils manquent à leur promesse, ils sont traités de lâches et fouettés par leurs compagnons et deviennent la risée de la tribu. Normalement, ces vœux ne sont prononcés que pour une saison, du printemps à l’automne, et l’obligation cesse avec les premières neiges qui marquent la fin de la saison des combats. Aussi, les engagements n’étant pas très fréquents, beaucoup de ces braves survivent.

L’exigence de la vengeance apparaît pour les Crow comme le moteur principal de la guerre – mise à part la capture de chevaux qui parfois tourne à l’affrontement.
La petite tribu crow, très affaiblie après les épidémies du début du XIXème siècle, dont le riche et beau territoire est convoité par de puissants ennemis, ne peut se permettre de laisser des provocations impunies. Il y va de sa survie, de sa « crédibilité » pourrait-on dire. Normalement, toute mort d’un Crow doit être suivie de la mort d’un ennemi, de préférence de la tribu du meurtrier, sans que cela soit une obligation. Le deuil, marqué par de violentes manifestations d’affliction, ne prend fin qu’une fois la vengeance accomplie. Cependant, les guerriers vainqueurs savent s’arrêter et ne pas tuer plus d’ennemis que ne le demande une juste vengeance.
Les Crow, comme les autres Indiens des Plaines font rarement prisonniers les hommes adultes qu’ils affrontent à la guerre. Ils les tuent sur place, bien que la passion du combat, le désir de vengeance les portent parfois à donner à leurs ennemis une mort cruelle, sans qu’on puisse pourtant parler de torture au sens où les Iroquois, par exemple, torturaient leurs captifs. On cite des prisonniers cheyenne ou lakota accrochés à un arbre et percés de flèches et de bâtons pointus. Les morts sont systématiquement mutilés. Il est très probable que des mutilations sur les vivants se produisaient aussi, comme couper les doigts, les oreilles. Toutefois, la générosité est admirée et l’extrême cruauté plutôt mal vue par la société crow. Femmes, enfants et adolescents sont traditionnellement adoptés par la tribu.

Nous possédons quelques témoignages de voyageurs français sur la manière dont les Crow traitaient les étrangers.
Au printemps 1805, François Antoine Laroque, un marchand d’origine française rencontre des Crow rendant visite à leurs parents hidatsa installés sur le Missouri. Désireux d’en connaître plus sur la vie indienne, il accompagne les Crow jusqu’à leur village de la Yellowstone et demeure avec eux jusqu’à l’automne, s’initiant à leur langue et notant tout ce qu’il observe, se liant d’amitié avec de nombreuses personnes de la tribu.
En 1858, un jeune Français de dix huit ans est capturé par un parti de chasseurs crow. Le chef Yellow Leggins décide de l’adopter comme son fils. Quelques mois plus tard, il épouse une jeune fille crow et passe plusieurs années passionnantes avec son nouveau peuple. « J’étais devenu un Indien crow », dira-t-il.
L’adoption plutôt que la mort du prisonnier était la norme chez les Indiens. Les récits, les contes crow recueillis, et dont nous donnons plus loin des exemples, confirment ces faits.




RELIGION

UNE SPIRITUALITE MAL CONNUE
Il faut d’abord remarquer que la vision que nous avons de tel ou tel peuple, dont la spiritualité et la culture ont été sciemment anéanties, dépend beaucoup des personnes qui ont recueilli les témoignages et surtout de la qualité de leurs informateurs.
Les informateurs indigènes des ethnologues peuvent se montrer déficients pour diverses raisons. D’abord, ils peuvent tout simplement ignorer les choses de la spiritualité qui sont particulièrement subtiles à concevoir et délicates à exprimer, surtout si l’interprète n’est pas à la hauteur. Ils peuvent vouloir les cacher, voire chercher à tromper celui qui les interroge. Beaucoup d’informateurs interrogés dans la première moitié du XXème siècle ne sont plus déjà que des témoins de seconde main, ne connaissant de la spiritualité traditionnelle que ce que leurs parents ou leurs grands parents leur en ont dit. Il est probable aussi que la religion chrétienne imposée par les missionnaires depuis une ou deux générations a imprégné les mentalités, effaçant peu à peu les aspects les plus profonds de la spiritualité indienne.
Alors que pour certains peuples comme les Lakota, les Hopi, une grande masse d’informations, probablement fiables, a été recueillie sur les notions les plus fondamentales de leur religion, on est beaucoup plus démunis en ce qui concerne les Crow.

Le soleil semble être pour les Crow l’essence spirituelle la plus importante.
Dans la mythologie crow, le soleil est le créateur du monde par l’intermédiaire d’Old Man Coyote. Les récits de création qui ont été recueillis parlent de la façon dont Old Man Coyote a aménagé la terre entièrement recouverte d’eau pour permettre aux animaux non aquatiques et aux êtres humains d’y vivre. On est frappé par la naïveté du récit qu’on lira plus loin. D’ailleurs, le soleil, agissant sous les traits d’Old Man Coyote, n’est pas appelé le Créateur, mais le Transformateur, c’est-à-dire celui qui organise ce qui existe déjà. A notre connaissance, aucun de ces récits ne remonte plus avant, à l’origine même de l’univers, comme le font les mythes lakota, pawnee ou hopi. Cela ne veut pas dire que les Crow n’avaient jamais eu une telle conception. Elle a pu être perdue, oubliée. Cela n’avait probablement pas une grande importance pour la majorité des Crow, leur pratique religieuse étant totalement libre, personnelle, éminemment pratique.
Le soleil est invoqué comme la divinité suprême, mais chaque Crow cherche à se mettre sous la protection d’esprits plus subalternes, les esprits animaux, ceux qui animent les grands phénomènes du monde. Cela se fait à travers la recherche de vision qui, chez les Crow, est particulièrement éprouvante. En plus des rigueurs du jeûne et de l’isolement, le jeune homme s’inflige souvent des tortures qui rappellent celles de la Danse du Soleil afin d’apitoyer les Esprits et de recevoir leur aide et leur protection. L’implorant demande la réussite de ses projets, de ses ambitions, de ses entreprises guerrières. Ce sont des demandes très matérielles, immédiates, personnelles. Chacun est à la recherche d’un bon esprit protecteur.



LA PIPE
La Pipe Sacrée cérémonielle – i’ptse waxpe – semble avoir été apportée aux Crow par leurs parents les Hidatsa seulement au début du XIXème siècle. Son origine mythique, si elle existe, ne nous est pas connue, à la différence de la Pipe Sacrée des Lakota. D’introduction récente, elle apparaît comme un rituel étranger, pas encore totalement assimilé.
La pipe est utilisée, comme chez les autres tribus des Plaines, pour ramener la paix et créer des relations entre les personnes. Une pipe présentée devant l’ennemi lors d’une bataille met fin au combat. Elle peut être utilisée pour ramener la concorde au sein de la tribu et sceller des liens entre les personnes lors d’une cérémonie d’adoption. La pipe est, pour les Crow, liée au pouvoir du soleil.
Le nombre de possesseurs de pipes était faible chez les Crow, quelques dizaines pour toute la tribu. Le possesseur de pipe, considéré comme un « père », pouvait adopter des « enfants », souvent un homme avec sa femme. Une personne malade demandait son adoption, offrant à son « père » d’importants cadeaux. Le possesseur de pipe ne pouvait toutefois adopter plus de quatre « enfants ».



LA SOCIETE DU TABAC
Le rituel le plus spécifique des Crow est lié au tabac. Le tabac cérémoniel des Crow est le « petit tabac » (Nicotiana multivalvis), alors que le tabac à fumer est le « grand tabac » (Nicotiana quadrivalvis).
Les graines de ce tabac rituel, qui sont considérées comme provenant des étoiles, sont plantées au printemps par les membres de la Société du Tabac (bacu’ sua). Cette importante société est divisée en plusieurs chapitres où l’on entre par adoption – toujours le modèle « familial ».
Au printemps, les membres de chaque chapitre déterminent le lieu où seront plantées les graines. On procède au défrichage du terrain par brûlage et arrachage de la végétation. Au début de mai, quand est venu le moment de planter, les graines de tabac sont mélangées à divers ingrédients à la fois nutritifs et symboliques, dont de la bouse de bison, et mises à tremper dans de l’eau. Les sacs de graines sont portés en cortège vers le terrain préparé. Chaque membre de la société, avec l’aide de sa femme, plante son rang de graines. Avec un bâton, la femme fait une série de trous de quelques centimètres de profondeur et l’homme y dépose des graines. Diverses cérémonies ont lieu entre les semailles et la récolte. Le désherbage se fait d’une manière rituelle. Un arrosage est prévu au cas où les pluies viendraient à manquer. Une étroite surveillance des plantations est assurée par les membres de la société qui viennent régulièrement annoncer à la tribu que tout se passe bien.
La cueillette des feuilles de tabac commence à la mi-juillet. Elle se poursuit sur plusieurs semaines car toutes les feuilles ne sont pas à maturité en même temps. Chaque couple récolte le rang qu’il a semé avec, à ce moment, un minimum de cérémonie. Les feuilles sont alors hachées, mélangées à de la graisse de bison et du tabac à fumer, mises en petits paquets et jetées dans un ruisseau, sans cérémonie particulière. Les graines sont soigneusement recueillies pour les prochaines semailles.
L’importance de ce rituel, qui s’est perpétué jusque dans les années 1920, semble résider toute entière dans le fait de semer et de mener ce tabac à maturité. Ce qui est fait après a peu d’importance. Il est difficile d’en saisir le sens profond.



LA DANSE DU SOLEIL
La Danse du Soleil des Crow – acki’cirua – est très différente, tant dans ses motivations que dans son déroulement, de celle des Cheyenne ou de celle des Lakota qui est devenue maintenant l’archétype de cette cérémonie et qui a fourni le nom de « danse du soleil » – littéralement « Ils dansent en regardant le soleil ».
Plutôt qu’une cérémonie d’action de grâce à caractère cosmique, la cérémonie des Crow est une préparation à la vengeance après la mort d’un proche. C’est une demande d’assistance adressée aux Esprits dans les combats qu’on va engager et la recherche à travers une vision des moyens à mettre en œuvre pour assouvir cette vengeance. Elle n’a donc aucune périodicité, mais se déroule quand le besoin s’en fait sentir. Elle est aussi, naturellement, une occasion pour les hommes de montrer leur courage aux yeux de tous.
La mise en œuvre de la cérémonie est si difficile et si lourde que seul un deuil exceptionnel – un enfant, un fils bien-aimé tué par l’ennemi, par exemple – peut pousser une famille à en assumer la charge. Un Crow de quatre-vingt ans disait n’en avoir connu que six durant sa vie. Etant donné son caractère strictement guerrier, la Danse du Soleil crow était tombée en désuétude dans les années 1880.
L’homme en deuil décidé à célébrer une Danse du Soleil va trouver un homme médecine possesseur d’une « poupée sacrée » et lui demande son aide. Le demandeur devient alors le « fils » et l’homme médecine est son « père ».
Une chasse au bison est organisée afin de recueillir un grand nombre de langues qui seront offertes aux divers participants à la cérémonie. Les langues, souvent plusieurs centaines, sont entreposées dans une hutte de branchages. La viande et les peaux des bisons abattus sont distribuées aux vieillards, aux malades, aux nécessiteux.
Le « père » demande à une femme particulièrement vertueuse de découper pour le « fils », dans une peau de bison, une longue jupe ouverte sur les côtés et de lui fabriquer des mocassins. Ceux-ci sont teints en noir et des poils de bison figurant des scalps y sont cousus. Quand l’homme en deuil a revêtu ses vêtements cérémoniels, le « père » lui donne un sifflet dont il devra se servir durant la cérémonie puis, avec de l’argile blanche, il dessine sur sa poitrine et sur son dos la croix qui représente l’Etoile du Matin et il marque ses joues avec des points blancs figurant les larmes du deuil. A ce moment, devant le tipi du « fils », défilent des guerriers qui racontent leurs exploits.
L’homme en deuil passe la nuit dans son tipi, étendu sous une peau de bison. A partir de ce moment, il lui est interdit de manger et de boire. Le « père », et souvent aussi sa femme, commencent à jeûner afin de soutenir leur « fils » dans son épreuve.
Une seconde chasse au bison est organisée. Il s’agit d’abattre deux bisons mâles dont les peaux serviront à recouvrir la Loge de la Danse. Chaque bison doit être tué d’une seule flèche et mourir sur le coup. Quand les bisons sont repérés, le meilleur tireur est envoyé. Un dépeceur très expérimenté l’accompagne pour prélever les peaux dès que les bisons sont abattus.
Un autre groupe part à la recherche des arbres nécessaires à la construction de la Loge de la Danse. Parmi eux se trouvent obligatoirement une femme vertueuse, un « berdache » et, dans la mesure du possible, un captif appartenant à la tribu qui a causé la mort qu’on cherche à venger – il est à remarquer que les Crow ne songent pas un instant à venger cette mort sur le captif lui-même. Chacune de ces trois personnes donne quatre coups symboliques à l’arbre choisi qui est ensuite abattu par les autres participants. L’arbre est noirci avec du charbon de bois mélangé à de la graisse. La couleur noire, très présente dans cette cérémonie, est la couleur de la victoire et, par conséquent, celle de la vengeance qui est ici recherchée.
L’arbre est rapporté par un groupe de guerriers comme s’il s’agissait d’un ennemi tué, et le peuple se réjouit. En fait, un seul arbre est abattu de cette manière. Les autres poteaux de la Loge de la Danse, qui en compte vingt, sont abattus et transportés sans cérémonie.
La Loge de la Danse des Crow a la forme d’un grand tipi. Tous les poteaux sont passés au noir et des guerriers se lancent au galop contre l’armature de la Loge et y comptent des « coups » comme sur un ennemi. Les deux peaux de bison mâle sont disposées sur le sommet, et la partie basse refermée avec des branchages, laissant entre les deux un large espace qui permet aux spectateurs qui se pressent nombreux de voir ce qui se passe à l’intérieur.
Le matin suivant, le possesseur de la « poupée sacrée », accompagné de sa femme, vient chercher son « fils » à son tipi, portant la « poupée» accrochée à un cerceau de saule. Des groupes de guerriers se livrent à des simulacres de combats, créant l’atmosphère guerrière recherchée. Puis ils reçoivent des langues de bison que des femmes ont fait cuire.
Le « fils » est alors conduit par son « père » au centre de la Loge de la Danse où il s’étend sous une peau de bison. A ce moment, des hommes qui recherchent des visions, ou qui veulent se distinguer aux yeux de tous, se font suspendre aux poteaux de la Loge par des lanières de cuir passées dans la chair de leur poitrine ou de leur dos, ou bien ils s’attachent à des crânes de bison qu’ils traînent derrière eux autour de la Loge. Ils subiront leur épreuve jusqu’au coucher du soleil, à moins que leur chair n’ait cédé avant et ne les ait libérés.
C’est maintenant au « fils », l’homme en deuil, d’entrer en scène. Il commence à danser, affaibli par le jeûne et la soif, soufflant dans le sifflet pendu à son cou, les yeux fixés sur la « poupée ». Il s’agit d’une figurine de forme humaine en peau de bison bourrée d’herbes et de poils, au corps en forme de triangle, la tête recouverte de plumes et portant le signe de l’Etoile du Matin.
Le danseur doit suivre le rythme du tambour et des chants qui s’accélèrent. Souvent, pour le soutenir, des hommes de sa parenté viennent danser à ses côtés, imitant des combats. Quatre repos seulement sont prévus durant toute la journée. Il n’est pas rare que le danseur tombe d’épuisement et qu’on doive le relever. En théorie, il doit danser jusqu’à ce qu’on apprenne la mort d’un ennemi et que la vengeance soit ainsi accomplie. Il n’est pas nécessaire que l’homme tué appartienne à la tribu qui a causé la mort du parent qu’on désire venger. N’importe quel ennemi peut faire l’affaire.
Mais les choses ne se passent pas toujours ainsi et, souvent, la « bonne nouvelle » tarde à venir. Alors, au bout de plusieurs heures, voire de plusieurs jours, le danseur, au comble de l’épuisement, fixant toujours la « poupée sacrée », entre dans une véritable transe et finit par perdre connaissance. Durant son évanouissement, la « poupée » est censée lui avoir parlé. Quand il revient à lui, il déclare avoir eu la vision de sa vengeance. A ce moment, l’homme en deuil peut se reposer et recevoir de l’eau. Tout le village attend alors l’annonce qu’un ennemi a été tué. Certains « fils » ne fixent la date de la cérémonie qu’après le départ d’un parti de guerriers en direction d’un territoire ennemi, ce qui accroît évidemment les chances de réussite. D’autres, revenus à eux, se contentent de dire qu’ils sont satisfaits, et les choses en restent là. Mais c’est à l’évidence la situation la plus frustrante pour la communauté, car la vengeance de l’homme en deuil est ressentie comme la vengeance de tous.






LES CROW AUJOURD’HUI

LE PEUPLE ET SA TERRE
On pourrait croire qu’une tribu qui a toujours marqué son amitié aux Blancs et les a même aidés à soumettre les autres tribus aurait mieux accepté que d’autres l’assimilation à la culture blanche et aurait depuis longtemps abandonné son indianité. Nous nous sommes même laissé dire que certains touristes arrivent chez les Crow en croyant y trouver des « amis des Blancs » qui leur réserveront, ils n’en doutent pas, un accueil particulièrement chaleureux. Ils s’aperçoivent assez vite qu’il n’en est rien.
Penser cela serait méconnaître les raisons qui ont poussé les Crow à adopter cette politique. Relisons les paroles de Plenty Coups, celles de Bear Tooth. Les Crow étaient prêts à tout pour préserver leur pays et leur mode de vie traditionnel, même au prix de ce qui peut apparaître comme une trahison de la Nation Rouge, comme le disent les Indiens actuels.
Ce n’est que récemment que s’est dégagée clairement pour les Indiens la notion de solidarité de race, d’unité indienne. Autrefois, les Indiens voyaient rarement au-delà de leur propre tribu et de ses alliés proches. Il leur était difficile de ne pas se réjouir de l’affaiblissement de leurs ennemis traditionnels. Il faut aussi reconnaître que les Crow n’avaient aucune raison de se montrer amicaux envers les Cheyenne et les Lakota qui les avaient chassés des Black Hills au XVIIIème siècle et de la vallée de la Powder River au milieu du XIXème siècle.
Les Crow n’ont pas été « bien traités » par les Blancs, mais ils ne l’ont pas été aussi mal que d’autres. N’ayant jamais donné au gouvernement américain de raisons particulières de sévir contre eux, la construction de forts sur leur réserve, une présence militaire lourde, la déportation en Territoire Indien leur ont été épargnées. Mais, considérés comme « amicaux », un effort particulier de christianisation et d’éducation à la culture blanche a été déployé contre eux, et il a fallu aux Crow tout leur attachement passionné à leur terre et à leur culture pour parvenir, en partie, à y résister.
A la différence de beaucoup d’autres tribus affaiblies par une longue résistance et un lancinant sentiment de défaite, les Crow ont maintenu fermement leurs traditions, leur langue. Leur système clanique, celui des familles étendues, est demeuré particulièrement vivant. Une grande solidarité se manifeste entre les membres d’un clan. La loi sur le lotissement des terres en propriétés privées a dispersé bien des familles, mais les Crow ont réussi à maintenir leurs liens par de fréquents rassemblements, fêtes, célébrations de toutes sortes.

Bien que le territoire qui leur avait été reconnu par les deux traités de Fort Laramie ait été très fortement déduit, les Crow ont pu conserver dans l’est du Montana une belle réserve relativement vaste de près de 900 000 hectares qui préserve le cœur de leur pays, la vallée de la rivière Bighorn. Environ 178 000 hectares sont la propriété de la tribu et les propriétés crow individuelles couvrent environ 664 000 hectares.
Une part importante des terres de la réserve est occupée par des Blancs, propriétaires ou locataires, qui cultivent les vallées les plus fertiles et font de l’élevage sur les meilleurs pâturages. La tribu s’efforce de racheter ses terres, en particulier le long de la rivière Bighorn. Mais le manque de fonds fait toujours obstacle à ces acquisitions. Des organisations indiennes de première importance comme le Congrès National des Indiens d’Amérique (NCAI) tentent actuellement d’obtenir du Congrès l’octroi de fonds qui permettraient aux tribus de racheter les terres de réserves qui leur avaient été reconnues par traité au XIXème siècle et qu’elles ont peu à peu perdues par des ventes forcées, voire la spoliation pure et simple. Le vote d’une telle loi serait de la première importance pour les Crow. Mais, au début des années 2000, rien n’avait encore été fait dans ce sens.
Au recensement de 1995, la tribu crow comptait 9 150 membres, dont les trois-quarts vivaient sur la réserve, les autres s’étant installés dans les villes voisines comme Harding et Billings afin de trouver du travail. Plus d’un millier de non-membres tribaux vivent sur la réserve, essentiellement des Crow fortement métissés ou des familles blanches qui ont acheté ou loué des propriétés indiennes. Depuis 1953, il est exigé au moins un quart de « sang crow » pour être membre de la tribu.

Les principales agglomérations ou communautés de la réserve sont Crow Agency sur la Bighorn, qui fait office de capitale, Saint Xavier, Lodge Grass, Wyola et Pryor. Près de Lodge Grass, sur le site de la rivière Little Bighorn où s’est déroulée en 1876 la célèbre bataille, les Crow ont ouvert un casino et créé « Little Bighorn College », un établissement d’enseignement secondaire de très bon renom.
Jusque dans les années 1980, plus de 80% des Crow parlaient leur langue tribale. En une vingtaine d’année, ce taux de rétention de la langue, le plus élevé des Etats-Unis avec celui des Hopi, est tombé à environ 50%. Alors qu’une large majorité des plus de quarante ans parle le crow, enfants et adolescents sont moins de 20% à le parler. La pression de la « société dominante », en particulier à travers la télévision, est trop forte.

La Nation Crow compte actuellement dix clans, dont on remarquera les noms souvent humoristiques : Whisling Water, Bad War Deeds, Greasy Mouth, Sorelip, Big Lodges, New Made Lodges, Piegan, Filth Eaters, Ties The Buddle et Bring Game Without Shooting.
Au niveau de la tribu, la compétition existe entre les différents clans, notamment au niveau politique et sportif. Les Crow s’efforcent toujours de se marier à l’extérieur de leur clan familial, ce qui, étant donné le nombre réduit de membres de la tribu, est souvent difficile. Ils se marient alors avec d’autres Indiens, en particulier avec les Cheyenne du Nord, leurs voisins et anciens ennemis, voire avec des Blancs, au risque que leurs descendants perdent leur nationalité crow.

Le gouvernement crow comporte une particularité remarquable. Le pouvoir législatif est exercé par un « conseil général » (general council) composé de tous les membres adultes de la tribu qui se réunit quatre fois dans l’année. Le conseil élit à main levée quatre personnes, un président, un vice-président et deux secrétaires qui constituent l’exécutif, auquel s’ajoutent des commissions spécialisées : éducation, santé, police, finances, gestion des terres, etc. Les propositions de loi, émanant soit de l’exécutif, soit du conseil, sont présentées à la discussion et au vote du conseil. C’est la procédure la plus démocratique qui soit. Elle permet à chacun de se faire entendre et de se sentir impliqué dans la vie de la tribu, et beaucoup de Crow y sont attachés. Mais c’est une procédure très lourde qui souvent bloque des décisions importantes et urgentes. Cela permet aux factions tribales de dominer les réunions, voire d’influencer le vote. C’est une procédure peu adaptée aux exigences actuelles de l’exercice du pouvoir. En 1990, une modification de la constitution tribale a donné au président des pouvoirs accrus qui lui permettent de gérer les affaires de la tribu sans en référer constamment au conseil.



DES RESSOURCES POUR VIVRE
Les terres de la réserve crow se prêtent peu à l’agriculture, mis à part quelques vallées où l’irrigation permet de cultiver le maïs et la betterave. Dans les zones plus arides, on cultive le blé et la luzerne. La réserve compte de bonnes prairies et l’élevage est une ressource importante. Mais le climat trop sec favorise peu la forêt, si ce n’est le pin douglas et le pin poderosa dans la région montagneuse à l’ouest de la réserve.
Jusque dans les années 1960, les Big Horn Mountains étaient l’habitat de beaux troupeaux d’élans, de cerfs et de mouflons bighorn. Mais le manque de lois de protection de la faune et la construction de routes à travers la réserve, décidée par le Bureau des Affaires indiennes, ont permis l’accès des terres crow à un trop grand nombre de chasseurs, et les troupeaux ont rapidement décru.
Les lois sur l’autonomie des nations indiennes adoptées au milieu des années 1970 ont autorisé les Crow à protéger leurs ressources naturelles. En 1992, la tribu prenait des mesures énergiques de restauration de la faune sauvage, réglementant les zones et les périodes de chasse et de pêche, même pour les membres de la tribu. La tribu a également fait l’acquisition d’animaux. Ainsi, en 2000, les Crow avaient décidé d’employer une somme destinée par le BIA à la « modernisation » de la réserve à l’achat d’élans et de chevaux sauvages, une acquisition qui leur avait été vivement reprochée par l’administration des Affaires indiennes. Depuis ces dernières années, on remarque une augmentation sensible du nombre de cervidés sur la réserve.
La réserve crow compte de nombreux cours d’eau où la pêche, en particulier à la truite, est excellente. Assez curieusement, selon une décision de la Cour Suprême des Etats-Unis, c’est l’Etat du Montana, et non la tribu, qui continue à réglementer la pêche dans la rivière Bighorn sur laquelle a été construit en 1968 le barrage de Yellowtail.
Les Crow espèrent avoir bientôt suffisamment restauré la vie sauvage sur leurs terres pour envisager des chasses sélectives (trophy hunts) destinées aux non Indiens disposés à payer fort cher le droit d’abattre deux ou trois élans, sous la conduite d’un guide de chasse crow. « Little Bighorn College » assure la formation de guides de chasse et de pêche.
Le charbon est une importe ressource économique pour les Crow. La tribu a gardé des droits sur le sous-sol de la « Crow Ceded Strip », un territoire de 400 000 hectares au nord-est de la réserve, où la compagnie Westmoreland exploite des mines de charbon depuis 1974. Les royalties versées par Westmoreland représentent la plus importante source de revenus de la tribu. Depuis la fin des années 1990, une prospection minière est faite au sud-est de la réserve crow.
Comme sur toutes les réserves indiennes, le chômage excède largement la moyenne nationale. Mais, sur la réserve crow, il n’est, si l’on peut dire, que de 44%, alors qu’il est de 73% sur la réserve voisine des Cheyenne du Nord, et qu’il approche 80% sur les réserves lakota.

La réserve crow possède un énorme potentiel touristique non encore complètement exploité, comme c’est le cas pour les autres tribus des Plaines, toujours réticentes à attirer des étrangers sur leurs terres, par crainte d’une exploitation commerciale de leurs ressources naturelles, de leur culture, de leur spiritualité.
Outre la beauté de ses montagnes et de ses fraîches vallées, la réserve crow offre un site connu au niveau national, pour ne pas dire mondial : le site de la bataille de Little Bighorn du 25 juin 1876 (Little Bighorn Battlefield National Monument) encore appelé « Custer Battlefield » il y a peu de temps, et situé entre Crow Agency et Lodge Grass. Un vaste monument destiné à rendre hommage aux combattants indiens, devrait y être bientôt érigé. Entre 40 000 et 50 000 personnes visitent le site annuellement. L’affluence est à son comble en juin, au moment de la reconstitution de la célèbre bataille, durant laquelle des Crow figurent les combattants indiens, Lakota et Cheyenne, au grand mécontentement de ces derniers, on s’en doute.
En 1993, la tribu a ouvert « Sun Lodge Casino » entre Crow Agency et le site de Little Bighorn, une initiative critiquée par les Anciens et les traditionalistes de la tribu. Fréquenté presque exclusivement par une clientèle estivale, le casino crow est d’un assez bon rapport, sans pouvoir cependant rivaliser avec les casinos indiens situés près des villes ou sur les grandes voies de communication.
Depuis les années 1930, la « Crow Fair » se tient près de Crow Agency durant le troisième week-end du mois d’août. Un millier de tipis est dressé et au moins 25 000 personnes assistent à la fête qui se déroule sur trois jours, des Indiens venant de toute l’Amérique du Nord et de nombreux touristes. Les concours de danses indiennes, les rodéos se succèdent, les plus prestigieux groupes de musique et de danse traditionnelles s’y produisent.
Depuis quelques années, les Crow ont remis à l’honneur des jeux indiens qui se pratiquaient dans toutes les tribus des Plaines, comme le « hand game » et le « stick game », des jeux demandant une grande adresse manuelle, une grande capacité d’attention et une excellente mémoire. Des tournois, suivis avec passion, opposent les différents clans de la tribu. Des équipes d’autres tribus, en particulier cheyenne, sont invités à se mesurer aux joueurs crow.



2002 – Monique Boisson

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